Dossiers scientifiques
 

Séisme et Tsunami aux îles Salomon du 1er avril 2007

Un séisme de magnitude Mw 8.1 s'est produit le 1er avril 2007 à 20 h 39 min 56 s TU, sur la zone de subduction des îles Salomon, zone complexe impliquant à la fois la convergence vers le nord-est de la plaque Australie sous la plaque Pacifique, et également la présence d'une micro-plaque (plaque des Salomon) entre ces deux plaques majeures (Figure 1).

Modélisation préliminaire de la source sismique

Les premières ondes sismiques (ondes de volume) ont atteint les stations sismiques en métropole à 20 h 56 min TU environ. Mais ce sont les ondes de surface qui ont provoqué la plus grande amplitude : environ 0,5 mm de déplacement (Figure 2). A partir des ondes de volume P et S enregistrées sur 10 stations large-bande distantes de 3000 à 10 000 km du séisme, on cherche à déterminer par inversion les caractéristiques statiques de la source sismique (mécanisme au foyer, profondeur et durée de la rupture), ainsi que certains paramètres cinématiques (amplitudes du glissement sur la faille, vitesse de rupture). Les résultats sont présentés sur la Figure 3.

Les paramètres géométriques obtenus sont cohérents avec la tectonique régionale : l'azimut, le pendage et le glissement de la faille (respectivement 316°, 27° et 110°) confirment un séisme de subduction inter-plaques généré par la convergence vers le nord-est de la plaque Australie sous la plaque Pacifique. De plus, la faible profondeur obtenue (une dizaine de kilomètres) explique la génération, au moins locale, d'un tsunami.

Ce séisme se particularise par sa durée (la rupture s'est propagée pendant une centaine de secondes) et par son extension horizontale le long de la subduction : les résultats de l'inversion mettent en avant l'existence de deux zones de fort glissement, l'une située au niveau de l'hypocentre (étoile sur Figure 1) où le tsunami local a été le plus fort, l'autre 200 km au nord-ouest de ce point (voir ces deux zones sur la Figure 4). On notera que la répartition des répliques confirme l'existence de ces deux zones de fort glissement (Figure 5).

Ces valeurs de durée et d'extension spatiale de la source ne sont cependant pas exceptionnelles pour un séisme d'une telle magnitude et restent bien inférieures à celles du séisme de Sumatra du 26 décembre 2004, dont la rupture s'était propagée sur plus de 1200 km pendant presque 10 minutes.

Le tsunami

Ce séisme a généré un tsunami destructeur régionalement. L'île de Gizo, proche de l'épicentre, a été touchée avec au moins une dizaine de victimes connues 12 heures après, nombre qui devrait croître au fur et à mesure des investigations, en particulier sur les îles plus isolées (Mono, Choiseul). Les hauteurs rapportées sur l'île de Gizo s'élèvent au moins à 3 m, localement 10 m, avec des inondations à plusieurs centaines de mètres à l'intérieur des terres, faisant de l'événement un tsunami important.

La zone épicentrale correspond à une région de relative lacune sismique, où aucun séisme aussi fort n'était répertorié depuis au moins un siècle. Par ailleurs les seuls séismes tsunamigéniques connus autour de cette lacune n'ont pas conduit à des télétsunamis pouvant produire des dégâts à grande distance (Figure 6).

Une première alerte a été donnée par le PTWC (Pacific Tsunami Warning Center) 15 minutes environ après le séisme, avec une magnitude estimée à 7.8. Les messages se sont ensuite succédés lorsque que des données marégraphiques portuaires ont été disponibles, et lorsque les magnitudes ont été plus finement déterminées. L'alerte a finalement été levée 9 heures après le séisme, après avoir conduit à une veille sur les côtes de l'est de l'Australie. Les dégâts semblent limités à la zone épicentrale.

Propagation dans le sud-ouest Pacifique

Les temps de propagation calculés (Figure 7) indiquent que les côtes australiennes ont été touchées entre 3 et 4 heures après le séisme, tandis que les îles de Papouasie Nouvelle Guinée plus à proximité (Figure 8) ont dû l'être en 30 à 40 minutes. Ces dernières îles ont été affectées, car situées dans la direction d'énergie maximale que l'on peut attendre étant donnée l'orientation de la faille. Des vagues de 2 m de haut y ont été observées : elles ont balayé plusieurs villages dans l'île de Rossel où il y a eu au moins 5 victimes. Dans l'île de Misima, des milliers de personnes ont fui sur les hauteurs lorsqu'elles ont vu la mer commencer à envahir le rivage et emporter des embarcations et des objets.

Localement, en face de la source sismique, il n'y a eu aucun enregistrement marégraphique. Les rescapés mentionnent un temps d'arrivée de la première vague 5 minutes après le séisme, de 3 à 4 mètres de hauteur, localement plus de 10 mètres. Des dizaines de villages ont été détruits et il faut s'attendre à un nombre élevé de personnes disparues. Les seules données marégraphiques (Figure 9) montrent des amplitudes régionalement de 20 cm (sur l'île de Honiara, Salomon), et plus loin de 11 à 15 cm au maximum, ce qui correspond à des effets faibles à grande distance : le tsunami est resté confiné dans la zone située entre les Salomon, la Papouasie Nouvelle Guinée et la Nouvelle-Calédonie et de ce fait n'a pas été important à des milliers de kilomètres.

En Nouvelle-Calédonie, les autorités ont été alertées par le PTWC et le Haut Commissaire de la République a décidé d'évacuer par précaution les îles Loyauté et les communes de la côte est. Les évacuations sur les hauteurs se sont bien déroulées et ont montré le bon fonctionnement de l'alerte. Des hauteurs d'eau de 15 cm ont été observées.

Modélisation préliminaire

Un premier modèle de simulation du tsunami à l'échelle océanique confirme que, pour la faille présumée associée au séisme, et pour une magnitude Mw 8.1, les hauteurs maximales atteintes en océan profond sont de l'ordre de 20 à 60 cm dans les 300 à 500 km de la source, puis d'environ 5 à 20 cm plus loin (Figure 10).

La Nouvelle-Calédonie, comme le confirment les observations recueillies localement, n'était pas située dans le lobe d'énergie maximale, mais la simulation indique que les îles au nord ouest de la Grande Terre semblent avoir piégées de l'énergie (Figure 10).

Un autre résultat intéressant est que les relatifs hauts fonds associés au Lord Howe Rise, dans le sud de la Mer de Tasmanie, ont piégé une part significative de l'énergie du tsunami, vers le sud (Figure 10). La grande barrière de corail au large de l'Australie n'aurait donc pas reçu toute l'énergie possible ; par ailleurs elle a dû atténuer fortement les amplitudes vers les côtes australiennes.

cliquez pour agrandir la carte
 Figure 1 : Zone épicentrale autour de l'île de Gizo (Salomon), montrant le mécanisme au foyer déterminé par Harvard (source CSEM).



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 2  : Enregistrements sismiques obtenus à la station HAU (Vosges). Le maximum d’amplitude (environ 0,5 mm de déplacement) a été atteint sur les ondes de surface. Le début de l’enregistrement correspond au temps 20 h 45 min en temps universel.



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 3 : Modèle de rupture et comparaison des formes d'onde enregistrées (en noir) et simulées (en rouge) filtrées dans la bande [80 s - 20 s]. Les ondes télésismiques SH sont représentées dans le cercle intérieur jaune et les ondes télésismiques P dans le cercle extérieur rouge. A droite, les fonctions sources en temps (en haut) et en espace (au milieu) mettent en avant l'existence de deux zones de fort glissement séparées de 50 s en temps et d'environ 200 km en espace.



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 4 : Représentation 2D et 3D du glissement sur la faille. En rouge sont représentées les zones où le glissement est le plus important.



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 5 : Répartition des répliques (extrait du site de l'USGS), l'hypocentre étant représenté par le plus gros carré jaune. On voit apparaître deux essaims de sismicité relativement distincts, au niveau des zones où le glissement a été le plus important (ellipses rouges). On confirme ainsi les résultats de l'inversion.



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 6 : Caractère tsunamigénique des séismes historiques régionaux. La zone du séisme de 2007 est située dans une zone de relative lacune sismique (source PTWC).



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 7 : Carte de temps de trajet du tsunami. Les isolignes sont tracées toutes les 30 minutes. Les îles Salomon sont affectées dans les quelques minutes et jusqu'à 30 minutes après le séisme. Le tsunami a mis 2 heures pour atteindre la pointe nord de la Nouvelle Calédonie et 3 heures pour arriver à Nouméa et au sud des Loyauté.



cliquez pour agrandir la carte
cliquez pour agrandir la carte cliquez pour agrandir la carte
 Figure 8 : Région touchée par le tsunami : les îles situées dans l'ellipse rouge représentent la zone qui a été la plus affectée par le tsunami (vagues de 3 à 5 m de hauteur). Compte tenu de la direction de la zone de rupture (N-O, S-E) et du fait que l'amplitude maximale du tsunami se propage essentiellement perpendiculairement, les îles du sud de la Papouasie Nouvelle-Guinée se trouvent dans la zone en orange potentiellement exposée. Les clichés représentent des dégâts dans la région de l'île de Gizo (source AP).



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 9 : Données marégraphiques disponibles à la fin de l'alerte (2 avril 2007 à 4 h TU).



cliquez pour agrandir la carte
 Figure 10 : Simulation des hauteurs maximales d'eau atteintes après 5 h de propagation. Les hauts fonds du sud de la Mer de Tasmanie semblent avoir capturé une bonne part de l'énergie.