|
|
|
|
|
|
|
|
Dossiers scientifiques |
|
|
|
|
Le Centre français d’alerte aux tsunamis sera à Bruyères-le-Châtel |
D’ici 2012, la France aura construit
son Centre d’alerte aux tsunamis pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est. Il sera basé sur
le centre CEA / DAM-Île de France et confié aux équipes du Département analyse, surveillance, environnement.
Le 10 mars 2009 marquera définitivement, pour le DASE, le début d’une nouvelle aventure
scientifique. C’est en effet ce jour-là que l’Administrateur général recevait une lettre commune des ministères de l’Intérieur et
de l’Environnement, lui indiquant qu’ils confiaient au CEA la responsabilité de concevoir, puis d’opérer un centre d’alerte
aux tsunamis, en le dotant des moyens appropriés. Le futur centre sera établi à Bruyères-le-Châtel et couvrira la surveillance de
la Méditerranée occidentale et de l’Atlantique Nord-Est (Espagne, Portugal). Ce choix, qui reconnaît les compétences uniques du CEA
dans le domaine des tsunamis et de l’alerte, est le résultat de très nombreuses discussions qui ont eu lieu ces dernières années.
L’histoire commence avec le tsunami catastrophique qui s’est produit le 26 décembre 2004 dans l’océan Indien, sensibilisant
la communauté internationale au risque tsunami. Très vite, c’est-à-dire dès le début 2005, l’Unesco est mandaté pour coordonner
la mise en place de systèmes d’alerte dans les trois bassins qui n’étaient pas encore surveillés : l’océan Indien, les Caraïbes
et la Méditerranée et l’Atlantique Nord-Est. Le quatrième bassin, celui du Pacifique, était quant à lui déjà équipé d’un
système d’alerte mis en place dès les années 60 en réponse aux tsunamis dévastateurs liés aux séismes du Chili (1960) et de
l’Alaska (1964). C’est d’ailleurs dans le cadre du système d’alerte du Pacifique que le CEA a développé son expertise,
tant dans la compréhension du phénomène (notamment par la simulation numérique) que dans les systèmes opérationnels d’alerte.
Des
tsunamis peuvent se produire en
Méditerranée. Ici, simulation numérique (réalisée par le DASE) de la propagation du tsunami
du 21 mai 2003, suite au séisme de Boumerdes. Etat de la mer au moment du séisme, à l’arrivée
sur les Baléares 30 minutes après, une heure après le séisme, et enfin à son arrivée le
long des côtes françaises, 68 minutes plus tard.
En 2006, le ministère de l’Intérieur français demande au CEA d’étudier la possibilité de mettre en place un centre d’alerte aux
tsunamis pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est, afin de répondre aux demandes de l’Unesco. Novembre 2007
marque une nouvelle étape lorsque la France choisit de donner à ce projet une dimension régionale : le centre d’alerte devra
alerter non seulement la sécurité civile française, mais également les services concernés des pays riverains de la Méditerranée
occidentale. En février 2008, le CEA répond par la positive, sous réserve de disposer des moyens humains et financiers adéquats.
Depuis quelques mois, les équipes du DASE préparent activement la mise en place du futur centre d’alerte. Objectif : être
opérationnel à la mi 2012, et respecter ainsi les recommandations de l’Unesco.
15 minutes pour une
alerte
L’objectif du Centre d’alerte aux tsunamis pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est est de
fournir en moins de 15 minutes les premières informations concernant les séismes potentiellement tsunamigènes.
Ce court laps de temps est lié au très faible délai existant entre le moment du tremblement de terre - les tsunamis sont,
pour la majorité d’entre eux, induits par des séismes - et l’arrivée d’un éventuel tsunami. Les ordres de grandeur de
l’arrivée des tsunamis dans cette zone sont estimés à 10 à 15 minutes le long des côtes proches de l’épicentre, et à
10 minutes jusqu’à un peu plus d’une heure le long des côtes françaises, en fonction de la localisation de l’origine du séisme.
Cette contrainte implique deux challenges particuliers :
-
développer un système très rapide, performant et robuste de traitement des données géophysiques en temps réel afin de pouvoir,
en quelques minutes, caractériser un séisme et son potentiel tsunamigénique ;
- mettre en place et faire vivre une permanence, c’est-à-dire des experts présents sur le centre DIF 24h/24, afin de traiter
les événements d’intérêt.
Ce challenge sera relevé en travaillant en partenariat avec le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine)
et l’INSU (Institut national des sciences de l’univers du CNRS), dont certaines données contribueront au centre d’alerte.
Les tsunamis
provoquent des dégâts considérables dans les ports. Ici, débris dispersés près du port à Aonae, sur l’île Okushiri, au Japon,
lors du tsunami du 12 juillet 1993.
En cas d’alerte tsunami, des messages seront envoyés aux autorités de protection civile françaises qui déclencheront ou non une
évacuation de la côte (essentiellement les plages et les ports).
Au niveau international, des messages d’information seront envoyés aux autres centres tsunami nationaux et internationaux
de la région, ainsi qu’aux interlocuteurs nommés par les Etats membres. Ces organismes ou services assurant une permanence
24h/24 auront pour mission d’alerter leur propre service de protection civile national, qui prendra à son tour la responsabilité
de déclencher ou non une évacuation de leurs zones côtières.
Très rapidement, si les données marégraphiques confirmaient le tsunami, d’autres messages seront disséminés au niveau national
et international.
Sismomètres, marégraphes et tsunamimètres
Du point de vue technique, plusieurs types de capteurs sont nécessaires pour détecter la formation des tsunamis.
Les capteurs les plus nombreux sont les sismomètres, qui enregistrent les ondes sismiques. Afin d’assurer une surveillance
sismologique continue efficace, des liaisons informatiques haut-débit seront mises en place d’ici mi 2011 pour échanger des
données avec les centres sismologiques espagnol, portugais, italien et allemand. Le DASE installera également des liaisons
satellitaires sur certaines stations sismologiques de l’INSU.
Le centre aura également accès aux données des marégraphes. Ces capteurs, qui enregistrent les vagues du tsunami le long des côtes,
permettront de confirmer ou non l’arrivée d’un tsunami. Les marégraphes français sont installés et maintenus par le SHOM avec qui
le DASE entretient des relations très étroites. Ces données seront transmises au centre de Bruyères-le-Châtel par différents moyens
de télécommunication. En cas d’alerte, dès qu’un marégraphe aura enregistré le passage du tsunami, son temps d’arrivée, son
amplitude et sa période seront envoyés aux autorités et aux autres centres nationaux et régionaux.
Les tsunamimètres, enfin, fourniront eux aussi leur moisson de données. Comme les marégraphes, ces capteurs enregistrent les
vagues du tsunami, mais au large, loin des côtes.
A terme, lorsque le système sera complet, ce sont plus de 60 sismomètres, 50 marégraphes et 10 tsunamimètres qui transmettront en
continu tous leurs enregistrements au centre d’alerte.
L’apport de l’informatique
Sur son écran de contrôle, le sismologue d’astreinte disposera en temps réel des données de dizaines de sismomètres, de marégraphes
et de tsunamimètres. Concrètement, comment repérer un tsunami dans cette avalanche de données, et ce en quelques minutes ? Pour
aller très vite, le centre fonctionnera avec des logiciels automatiques, qui détecteront tout signal potentiellement lié à un tsunami.
Dans le futur
Centre d’alerte aux tsunamis, des experts seront présents 24h/24.
Ces logiciels seront développés d’ici fin 2011 et implémentés dans les serveurs qui équiperont le centre. Des scénarios seront
modélisés au préalable afin de constituer une base de données d’événements potentiels. En pratique, la personne de permanence
validera les résultats des logiciels automatiques et vérifiera la localisation du séisme : est-il situé en mer ou très proche
de la côte ? quelle est sa magnitude ? sa profondeur ?
Des bases de données opérationnelles (sismologique et tsunami) apporteront les données complémentaires pour évaluer si un
tsunami a pu être induit ou non. Enfin, un logiciel automatique de modélisation permettra de calculer le temps d’arrivée du
tsunami et d’estimer la hauteur d’eau au large.
Ce n’est que lorsque l’expert de permanence aura validé toutes ces informations que les messages d’alerte seront diffusés.
|
|
Stations sismiques appartenant à : |
France (13) |
Otice (6) |
Autres (31) |
|
Réseau des
stations sismiques pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est.
|
|
Points de mesure du niveau de la mer (85) : |
Marégraphes |
Tsunamimètres |
|
|
|
France (31) |
|
|
Autres (54) |
|
|
|
Réseau programmé
de mesure du niveau de la mer pour la Méditerranée occidentale et l’Atlantique Nord-Est.
Tsunamis en Méditerranée occidentale,
Espagne, Maroc et Portugal : fiction ou réalité ?
En Méditerranée occidentale, le tsunami de référence le plus récent s’est produit juste l’année précédent l’énorme tsunami de
l’océan Indien. Le 21 mai 2003, le séisme de magnitude 6.8, qui a durement frappé la région de Boumerdès (50 km à l’est d’Alger,
plus de 6000 victimes), a déclenché un tsunami observé dans toute la Méditerranée occidentale. Le contexte géologique n’est pas
ici comparable aux longues zones de subduction du Pacifique ou de l’océan Indien. La sismicité régionale est due à la lente
convergence entre les plaques tectoniques Afrique et Eurasie depuis environ 40 millions d’années. Mais les caractéristiques
des structures géologiques et tectoniques mises en jeu sont encore mal connues, ce qui rend plus complexe l’identification des
failles actives.
Cette gravure
du 18ème siècle montre le tsunami qui ravagea Lisbonne le 1er novembre 1755, consécutif au séisme survenu le même jour, d’une
magnitude estimée à 8,5.
Le tsunami de 2003 a traversé la Méditerranée occidentale en moins d’une heure 20 minutes, touchant d’abord les Baléares, où
plus d’une centaine de bateaux ont été endommagés, voire coulés, où plusieurs retraits et inondations locales ont été notés. Il a
été enregistré sur une vingtaine de marégraphes installés dans les ports espagnols, français et italiens. Des recherches
ultérieures ont mis en évidence un impact jusque dans de petits ports de la Côte d’Azur, où une chute rapide du niveau de la mer,
des purges de bassins, des courants et tourbillons ont été observés et ont localement gêné des plaisanciers, et ce pendant
plusieurs heures. Côté algérien, peu d’informations sont disponibles : le tsunami n’a pu être observé, et/ou il a été très faible.
Ce que cet événement a rappelé, c’est qu’un impact modéré (en matière d’inondations) s’accompagne d’un coût économique important,
tendance qui ne peut que s’accentuer avec la vulnérabilité croissante des côtes touristiques.
En Méditerranée occidentale, des séismes de magnitude dépassant 7 sont possibles (séismes de 1954, 1980 en Algérie), et certains
seront tsunamigènes. En 1856, un tsunami a été déclenché par un séisme de magnitude 7.2 dans la région de Djijel (Est de
l’Algérie). Ses effets sont toujours méconnus. Des séismes en mer Ligure (au large de la Côte d’Azur) ont déjà généré des tsunamis,
comme en février 1887, lorsque plusieurs sites côtiers (Cannes, Antibes) ont été localement inondés suite à un séisme de magnitude
supérieure à 6. Dans ce cas encore, peu d’informations existent sur d’autres sites touchés.
Marégraphe
installé par le Service hydrographique et océanographique de la marine dans le port d’Ajaccio.
D’une toute autre ampleur, l’événement de référence pour la région est naturellement le séisme de Lisbonne, le 1er novembre 1755
(magnitude estimée à 8,5). Le tsunami qui s’ensuivit inonda de nombreuses côtes portugaises et espagnoles, augmentant le
nombre de victimes du séisme. L’impact de cette catastrophe fut tout à la fois humain, scientifique, philosophique. Aujourd’hui,
ce séisme est très mal compris, car nulle structure tectonique régionale connue ne semble suffire à expliquer la magnitude probable.
Pour un tel événement, des côtes éloignées ont vu des variations du niveau de la mer qui ont parfois dépassé plusieurs mètres. Aux
Antilles, certaines observations existent, ainsi que sur certains sites des côtes sud de l’Irlande et de Grande-Bretagne. Sur la
côte Nord-Est américaine, les témoignages de remous de la mer manquent, ainsi que pour la côte atlantique française.
Pour toutes ces régions et événements, ce court panorama rappelle que le risque tsunami, même s’il est relativement rare, existe
bel et bien en Méditerranée. Afin de mieux comprendre ces phénomènes, de nombreuses études doivent encore être menées, en matière
d’observations historiques, de caractéristiques géodynamiques et de vulnérabilités des côtes.
|
|
|