Dossiers scientifiques
 
Suivi de l’éruption du volcan russe Bezymianny du 01/09/2012 par des stations de mesures des infrasons

Résumé

Ce 1er septembre 2012, Bezymianny est entré en éruption, à 19h16 TU, entrainant d’importants écoulements pyroclastiques. Les panaches de cendres provoqués, pouvant atteindre jusqu’à 12 km d’altitude, ont pu être observés sur des images satellites spectaculaires, prises par le VAAC (Volcanic Ash Advisory Centers) de Tokyo. Cette intense phase explosive a persisté jusqu’à 19h45 TU et a été suivie par un long trémor d’une durée de 2 heures.

Bezymianny, éruption du 01-09-2012.
 Photo 1 : Bezymianny, éruption du 01-09-2012. Source: Yu. DEmyanchuk/KVERT (Kamchatkan and Northern Kuriles Volcanic Activity).

Le jour suivant, les émissions de cendres se sont maintenues et le panache s’est étiré sur 1500 km à l’Est de Bezymianny (photographies TERRA/MODIS). Le KVERT (Kamchatka Volcanic Eruption Response Team) a indiqué que le 3 septembre 2012, l’activité sismique est revenue à la normale et que l’extrusion de lave visqueuse a repris formant une nouvelle coulée épaisse.

Bezymianny, extension du nuage de cendres le 02-09-2012.
 Photo 2 : Bezymianny, extension du nuage de cendres le 02-09-2012 d'après une image Nasa Terra Modis/2 km.

Cette intense activité éruptive a été détectée par cinq stations infrasons, appartenant au réseau mondial SSI (Système de Surveillance International). Les signaux de l’éruption ont été enregistrés jusqu’à environ 5 000 km du volcan :
  • La station I44RU de la Russie, à 370 km du volcan.
  • La station I30JP du Japon, à 2765 km du volcan.
  • La station I53US de l’Alaska, à 2915 km du volcan.
  • La station I34 MN de la Mongolie, à 3740 km, du volcan.
  • La station I18DK du Groenland, à 4810 km du volcan.
La figure 1 localise ces stations par rapport au volcan.

Localisation des stations infrasons.
 Figure 1 : Localisation des stations infrasons (punaises vertes) ayant détecté les éruptions du volcan Bezymianny.

Descriptif du volcan

Le volcan russe Bezymianny (N55.98/E160.6), de type strato-volcan, fait partie d’un groupe de volcans très actifs avec Shiveluch et Kliuchevskoi. Il est situé dans la région nord de la péninsule du Kamchatka. Alors considéré comme éteint, c’est à partir de 1955 que le volcan entame une nouvelle phase éruptive. Celle-ci est caractérisée par de violentes éruptions accompagnées par de larges panaches de cendres pouvant atteindre 8-15 km d’altitude.

Traitement des données infrasons

La figure 2 montre un exemple de diagramme temps/fréquence. Ce résultat est issu des bulletins automatiques hebdomadaires enregistrés en continu pour la station russe I44RU, sur lesquels l’algorithme Progressive Multi-Channel Correlation (Cansi, 1995) a été appliqué. Chaque bandeau noir correspond à une journée, l’échelle en abscisse représente l’heure de 0 à 24 h TU, celle en ordonnées donne la fréquence de 0 à 4 Hz. Les rectangles colorés représentent les détections automatiques et l’azimut correspondant (0-360°, direction d’arrivée de l’onde à la station par rapport au nord) est indiquée sur l’échelle à droite de la figure.  

Représentation graphique du bulletin automatique PMCC de la station infrason I44RU.
 Figure 2 : Représentation graphique du bulletin automatique PMCC de la station infrason I44RU, en Russie, du 28 août au 3 septembre 2012.Le cercle noir repère les détections associées au volcan.

Les détections en orange correspondent à l’enregistrement des ondes infrasonores générées par le volcan Bezymianny, lors de son éruption le 1er septembre 2012. Elles se situent entre 0.5 et 3 Hz.
Plus précisément, la figure 3 représente un zoom de la détection observée en figure 2. Le haut de la figure correspond au signal enregistré (en Pa) au cours du temps. En bas sont indiquées les détections PMCC associées.

Représentation des signaux et des détections (en orange) associés au volcan Bezymianny par la station russe I44RU, le 1er septembre 2012.
 Figure 3 : Représentation des signaux et des détections (en orange) associés au volcan Bezymianny par la station russe I44RU, le 1er septembre 2012.

Les enregistrements contiennent deux types de signaux : dans un premier temps, ceux impulsifs qui correspondent à l’intense phase éruptive de Bezymianny ; puis, un signal plus continu dans le temps et plus haute fréquence qui pourrait coïncider avec des explosions de plus faible intensité.
A partir de l’ensemble des détections infrasons enregistrées aux différentes stations et en ne considérant pas l’effet des vents en altitude sur la propagation, une estimation de la localisation de l’évènement a été réalisée par croisement d’azimuts. Pour cela, seule la partie la plus énergétique des signaux, correspondant à l’intense phase éruptive et commune à toutes les stations, a été considéré. La localisation ainsi calculée se situe à environ 110 km de la vraie position. La simulation de la propagation des ondes permettrait d’intégrer les effets des vents en altitude et de réduire sensiblement cet écart.

Le potentiel des infrasons pour la surveillance volcanique

De nos jours, les stations infrasons représentent un moyen efficace pour améliorer la surveillance de volcans. La couverture du réseau est telle qu’elle nous permet d’obtenir des informations utiles sur l’activité volcanique à une échelle globale. Des études plus poussées permettraient de quantifier les divers effets atmosphériques sur la propagation des ondes, comme le vent, et d’améliorer ainsi la capacité de détection ainsi que de localisation de la source. L’ensemble de ces travaux constitue donc un enjeu majeur, celui de l’optimisation d’un réseau infrason pour surveiller à grande distance, en complément d’autres systèmes d’observation (sismique, satellite…), des volcans dangereux peu instrumentés (Matoza et al., 2009, Projet ARISE). Le dispositif alors mis en place devra tenir compte des variabilités journalière et saisonnière des performances du réseau ainsi que des temps de propagation des ondes depuis la source jusqu’aux différentes stations.

Sources
 
Projet Européen ARISE (Atmospheric dynamics InfraStructure in Europe)
  KVERT (Kamchatka Volcanic Eruption Response Team)
  VAAC (Volcanic Ash Advisory Center) de Tokyo
  Matoza, R. et al. (2010), Surveillance à grande distance des éruptions volcaniques, Avancées 2010 (CEA), p. 30
  Cansi, Y. (1995), An automatic seismic event processing for detection and location: The PMCC method, Geophys. Res. Lett., p. 1021-1024.