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Séisme dans la région de Lourdes du 30 décembre 2012


Un séisme de magnitude 4,8 a eu lieu le 31 décembre 2012 à 00 h 35 mn, heure française à l’ouest de Lourdes (le 30/12/2012 à 23 h 35 mn en temps universel ou GMT). Il a été précédé et suivi de plusieurs séismes modérés qui pour les plus forts ont été ressentis par la population.

Localisation du choc principal

Le séisme principal a atteint une magnitude locale de 4,8 (magnitude de moment de 4,2). Il s’est produit le 31 décembre à 00 h 35mn, heure locale (le 30/12/2012 à 23 h 35 mn, heure GMT). Il se situe à une latitude de 43,11°N et une longitude de 0,21°W (Figure 1) à une dizaine de kilomètres à l’ouest de Lourdes et à une profondeur de 6 à 10 kilomètres.


 Figure 1. Localisation du séisme principal et des événements plus modérés ayant eu lieu avant (du 12 au 30 décembre 2012 ; représentés en bleu) et après (du 31 décembre au 10 janvier 2013 ; représentés en orange).

Le séisme a eu lieu dans le département des Pyrénées-Atlantiques à proximité des Hautes-Pyrénées (Figure 2). Cette zone des Pyrénées occidentales est la plus sismique en France métropolitaine en terme de taux de sismicité. On y observe, en moyenne, sur dix ans, quatre séismes de ML > 4,5 alors que l’on en observe en moyenne moins d’un sur la même période sur la partie orientale de la chaîne.


 Figure 2. Localisation du tremblement de terre (étoile blanche) et principaux séismes historiques de la région.

Quelques événements historiques notables ayant eu lieu dans cette zone :

Appellation Date Intensité max (MSK) Magnitude*
Pyrénées centrales, Bigorre 21/06/1660 VIII-IX 5,9
Pyrénées centrales, Juncalas 24/05/1750 VIII 5,5
Pyrénées occidentales, Vallée d’Ossau 22/05/1814 VII 5,1
Pyrénées centrales, Argeles Gazost 20/07/1854 VII-VIII 5,3
Pyrénées occidentales, Vallée d’Ossau 22/02/1924 VII 4,9
Pyrénées occidentales, Arette 13/08//1967 VIII 5,3
Pyrénées occidentales, Vallée d’Ossau-Arudy 29/02/1980 VII-VIII 5,7
Pyrénées occidentales, Argelés Gazost 17/11/2006 VI 5,4
Pyrénées occidentales, région de Lourdes 30/12/2012 V 4,8
 Tableau 1 : Principaux séismes de la région pyrénéenne occidentale.
(*) = Magnitude locale ML du LDG (Laboratoire de Géophysique du Commissariat à l'Énergie Atomique) pour les séismes postérieurs à 1962 et magnitude estimée à partir des intensités macrosismiques pour les séismes antérieurs.


Caractérisation de la source du choc principal

L’inversion du tenseur des moments sismiques permet de déterminer l’orientation de la faille qui a rompu, et la magnitude de moment Mw. Dans le cas du séisme de Lourdes, le tenseur des moments a été déterminé en procédant à une recherche de similitude entre les signaux simulés et les signaux observés (pour des distances entre 15 km et 450 km, stations de la figure 3).


 Figure 3. Stations sismiques utilisées pour déterminer le tenseur des moments du séisme

Les signaux des stations localisées à moins de 50 km de la source (ATE, PYRO) ont été affectées d’un poids nul dans l’algorithme d’inversion, afin d’éviter les superpositions en temps des phases P, S et de Surface. Les signaux ont été filtrés dans la bande passante [50 s – 20 s].
Les résultats de l’inversion donnent un mécanisme en faille normale caractéristique d’un régime extensif, d’azimut 290 ° (Figure 4). La profondeur focale mise en évidence est 6 km. La magnitude Mw est 4,2.


 Figure 4. Mécanisme au foyer et profondeur déterminée à partir de l’inversion des formes d’ondes des secousses sismiques.

Paramères de la source
Profondeur 6 km
Azimuth 290°
Pendage 85°
Glissement -93°
Mw 4,2
D’autres organismes ont publié des mécanismes voisins et plus précis, basés sur l’utilisation d’un réseau dense de stations sismiques dans les Pyrénées (la page de l’OMP sur cet événement)

Cadre sismotectonique

Actuellement, la chaîne pyrénéenne comprend plusieurs zones du nord au sud (Figure 5). :
- La zone nord-pyrénéenne limitée au nord par le Chevauchement Frontal Nord Pyrénéen (CFNP). .
- La zone axiale, caractérisée par la présence des plus hauts sommets de la chaîne. Cette zone est composée de structures affectées par l’orogenèse hercynienne et alpine. Elle est limitée au nord par la faille nord-pyrénéenne.
- La zone sous-pyrénéenne limitée au sud par le Chevauchement Sud-Pyrénéen (CSP).


 Figure 5 : carte structurale de l’orogène pyrénéen en France. (Mattauer et Henry, 1974). Etoile rouge : localisation de l’épicentre du séisme du 30 décembre 2012.

La Faille Nord-Pyrénéenne (Figure 5) constitue l’accident tectonique majeur qui s’étend d’ouest en est tout le long de la chaîne et qui est considéré comme ayant joué un rôle important dans l’évolution géodynamique des Pyrénées (Choukroune & Mattauer, 1978). La Faille Nord Pyrénéenne est considérée comme une limite de plaque entre l’Eurasie et l’Ibérie qui a joué en faille transformante lors de l’ouverture du Golfe de Gascogne entre -115 et -80 Ma et qui a été plus ou moins déformée par la collision (Roure et Choukroune, 1989). Le contexte général des contraintes tectoniques à l’origine des séismes actuels de la chaîne des Pyrénées est une compression approximativement nord-sud (Delouis et al., 1993), le domaine ibérique s’enfonçant sous l’Eurasie au nord, au moins dans la partie centrale et orientale de la chaîne (Souriau et Granet,1995).
Cette zone faillée nord pyrénéenne ouest présente une densité très forte de petits séismes, et plusieurs séismes destructeurs de M > 5 depuis le XVIIème siècle (Tableau 1). La profondeur de la plupart des séismes semble varier entre 5 et 12 km.
La zone épicentrale se situe au niveau de la faille nord pyrénéenne, mal individualisée dans cette zone, dans la zone de sismicité est-ouest bien marquée, allant de la faille de l’Adour à l’ouest jusqu’au-delà d’Arette à l’est. Le mécanisme préliminaire en faille normale est à affiner dans des études ultérieures.

Lourdes, ressenti et effets de site

Le séisme du 30/12/2012 a eu lieu à proximité de la ville de Lourdes. Cette ville a été partiellement détruite par les événements de 1660 (Bagnères de Bigorre, intensité de IX, à environ 20 km) ou encore Juncalas en 1750 (d’intensité VII à seulement 5 km de Lourdes). De nombreux témoignages ont été référencés par le BCSF (Bureau Central de Sismologie Français) suite au séisme principal du 30 décembre 2012 mais également suite à ses différentes répliques. L’étude de ce recueil de témoignages (voir site du Bureau Central Sismologique Français) permettra une estimation précise des cartes d’intensité et de mieux comprendre les effets de sites régulièrement observés dans la région de Lourdes et qui peuvent atteindre une amplification d’un facteur 10 des accélérations sur des zones sédimentaires par rapport à des zones au rocher (Dubos et al., 2003).

REFERENCES
P. Choukroune, M. Mattauer, 1978. Tectonique des plaques et Pyrénées : sur le fonctionnement de la faille transformante nord-pyrénéenne ; comparaison avec des modèles actuels. Bulletin de la Société Géologique de France, ser. 5, 20, 689-700.

B. Delouis, H. Haessler, H. Cisternas, L. Rivera, 1993. Stress tensor determination in France and neighbouring regions. Tectonophysics, 221, 413-437.

N. Dubos, A. Souriau, C. Ponsolles, J.F. Fels et Sénéchal, 2003. Etudes des effets de sites dans la ville de Lourdes (Pyrénées France) par la méthode des rapports spectraux. Bull. Soc. Géol. Fr., 174, 33-44.

M. Mattauer et J. Henry, 1974. The Pyrenees. In: Mesozoïc-Cenozoïc Orogenic Belts. Data for orogenic Studies: Alpine-Himalayan Orogens (Ed.A.M.Spencer), Spec.Publ.Geol.Soc.London, 4, 3-21.

F. Roure, P. Choukroune, X. Berastegui, J.A. Munoz, A. Villien, P. Matheron, M. Baryet, M. Seguret, P. Camara, J. Deramond, 1989. ECORS deep seismic data and balanced cross sections : geometric constraints on the evolutions of the Pyrenees. Tectonics, 8(1), 41-50.

A. Souriau, M. Granet, 1995. A tomographic study of the lithosphere beneath the Pyrenees from local and teleseismic data, J. Geophys. Res., 100, 18 117-18 134.