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Le séisme du 16 avril 2015 au sud-est de la Crète (Mw = 6.0)


Comme attendu pour ce niveau de magnitude, aucun tsunami n’a été observé suite à cet événement. Il faut noter qu’il n’y avait pas de marégraphe opérationnel à moins de 300 km de l’épicentre.
Le système d’alerte français installé au CENALT (CEA) a détecté et caractérisé le séisme. Il a informé les autorités de l’absence de risque pour les côtes françaises. En effet, le passage des tsunamis de l’est vers l’ouest de la Méditerranée n’est envisageable que pour des cas de magnitude très supérieure (> 8).

Contexte

Le séisme a eu lieu au sud-est de la Crète. Cette région très sismique accommode lentement (environ 5 mm/an) la convergence des plaques Afrique et Eurasie, dans une zone de subduction qui s’étend du sud-ouest de la Grèce au sud de la Turquie (Figure 1). La zone a été touchée par le passé par des séismes importants, dont les plus forts ont généré des tsunamis majeurs.
En 1303 par exemple, un séisme de magnitude proche de 8 a généré un tsunami de plusieurs mètres d’amplitude, observé dans l’est de la Méditerranée et au nord de l’Afrique. La région avait également été touchée en 365, sur la partie occidentale de la subduction, par un séisme du même niveau de magnitude, provoquant un tsunami observé jusque dans l’Adriatique.


 Figure 1 : Contexte de la région épicentrale, montrant la convergence de la plaque Afrique vers l’Eurasie (flèches blanches), ainsi que les vitesses de déformation autour de la Mer Egée (flèches noires) (Eurasie prise comme fixe) (d’après Vernant et al., 2014)

Inversion sismologique

L’algorithme de phase W a permis de confirmer environ 30 minutes après le séisme la magnitude Mw = 6.0, avec un mécanisme chevauchant, comportant une composante décrochante notable (Figure 2). Ce mécanisme est cohérent avec un jeu de failles chevauchantes NE-SW affectées aussi par un mouvement coulissant.


 Figure 2 : Inversion sismologique pour le séisme du 6 avril 2015, obtenue au CENALT 30 minutes après le séisme en utilisant l’algorithme Phase W (Kanamori et Rivera, 2008). Signal station de Lormes.


 Figure 3 : Mécanismes au foyer obtenus de différents instituts (source CSEM).


 Figure 3 bis : Inversion des ondes de surface, obtenue 45 minutes après le séisme au laboratoire CEA de Pamatai.

Mesures marégraphiques et simulation tsunami

Peu de données marégraphiques sont disponibles dans la zone du séisme (Figure 4). Les stations marquées en vert au niveau de la Crète n’ont en fait pas enregistré de données la journée de ce séisme. Seul l’enregistrement du marégraphe d’Alexandrie a donc pu être analysé, et n’a révélé aucun signal tsunami.


 Figure 4 : Capture d’écran du site web UNESCO/IOC-VLIZ (http://www.ioc-sealevelmonitoring.org) montrant la position des stations marégraphiques disponibles en temps réel dans la zone épicentrale.


 Figure 5 : Magnitude minimale requise pour obtenir des valeurs de hauteur d’eau de 50 cm à la côte pour des séismes de profondeur superficielle localisés au niveau de la zone de subduction hellénique (d’après Necmioglu et Özel, 2015).
D’après les récents travaux de Necmioglu et Özel (2015), il faudrait un séisme de magnitude au moins égale à 8.0 en Méditerranée orientale pour générer un tsunami capable d’inonder (niveau d’alerte rouge) certaines côtes de l’est de la Méditerranée occidentale (Figure 5). Toutefois, il est envisageable que les tsunamis déclenchés par certains de ces très forts séismes (M > 8.0) entraînent des forts courants et des baisses du niveau de la mer dans les ports et les estuaires situés le long de la côte est de la Corse et du Golfe du Lion (niveau d’alerte orange).


REFERENCES
Kanamori H. and Rivera L. (2008), Source inversion of W phase: speeding up seismic tsunami warning,
Geophys. J. Int., 175, 222–238, http://dx.doi.org/10.1111/j.1365-246X.2008.03887.x

CSEM : page de l’événement : http://www.emsc-csem.org/Earthquake/earthquake.php?id=436951

Necmioglu O. and Özel N. M. (2015), Earthquake Scenario-Based Tsunami Wave Heights in the Eastern Mediterranean and Connected Seas, Pure Appl. Geophys., http://dx.doi.org/10.1007/s00024-015-1069-y

Vernant P., Reilinger R., and McClusky S. (2014) Geodetic evidence for low coupling on the Hellenic subduction plate interface, Earth Planet. Sci. Lett., 385, 122-129, http://dx.doi.org/10.1016/j.epsl.2013.10.018