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Tsunami généré par le séisme de Zakynthos du 25 octobre 2018


Résumé

Un séisme de magnitude 6.8 s’est produit le 25 octobre 2018 à 22h54 TU (0h54 heure de Paris) proche des côtes grecques. Le séisme a été suivi d’un petit tsunami qui a été enregistré par plusieurs marégraphes sur les côtes grecques et italiennes.

Chronologie du traitement de l’événement au CENALT :
- détection séisme: 22H56 TU
- traitement séisme: 23H01 TU
- envoi message d'information vers les autorités françaises : 23H05 TU


 Carte des mécanismes au foyer calculés pour l’événement du 25/10/2018 par différents organismes dont le CENALT (CPPT = Centre Polynésien de Prévention des Tsunamis).

Contexte sismotectonique

La mer ionienne (à l’ouest de la Grèce) est une région de limite de plaques marquée par une forte sismicité et une tectonique complexe, dominée par une activité sismique fréquente le long de la faille transformante dextre Céphalonienne (CTF). Cette zone de faille de 100 km de long accommode le mouvement relatif des plaques lithosphériques Apulie (Afrique) et Egée (Eurasie), à une vitesse de 10 à 25 mm/an (e.g., Pérouse et al., 2012).
La plupart des événements de magnitude supérieure à 6 se concentrent au niveau du segment nord de la CFT. Les séismes de 1704 (M 6.3), 1769 (M 6.7), 1783 (M 6.7), 1869 (M 6.4), 1914 (M 6.3), 1983 (M 6.8) et 2003 (M 6.2) en particulier comptent parmi les plus importants et ont entrainé de nombreux dégâts (e.g., Papadimitriou et al., 2012 ; Valkaniotis et al., 2014). Le dernier séisme majeur enregistré dans cette zone date du 17 novembre 2015 (M 6.5) (Ganas et al., 2016), avec un petit tsunami visible notamment sur la marégraphe de Crotone en Italie. La partie centrale de la CFT est marquée par deux événements significatifs : en 1723 (M 6.7) et en 1948 (M 6.5), ce dernier ayant été accompagné par un petit tsunami (Valkaniotis et al., 2014).
Le séisme de Zakynthos du 25 septembre 2018 (Mw 6.8) s’est produit au niveau du segment sud de la faille transformante céphalonienne (CFT).


 [gauche] Principales failles actives (lignes rouges) bordant la mer ionienne centrale (d’après Valkaniotis et al., 2014). Etoiles jaunes : crise sismique de magnitude 5.7-5.8 du 26/01/2014.[droite] [bas] Carte sismotectonique de l’ouest de la Grèce depuis 1700 (d’après Papadimitriou et al., 2012). Etoile jaune : épicentre du séisme du 25 octobre 2018. [haut] extension de la rupture des séismes de 1983, 2003, 2014 et 2015, tous décrochants dextres avec une magnitude 5.9

Marégrammes

Ce séisme a généré un petit tsunami visible sur plusieurs enregistrements marégraphiques, notamment dans les ports de Kyparissia et Katakolo (côtes grecques), ainsi que Otranto, Crotone et Le Castella (côtes italiennes). Les hauteurs d’eau maximales mesurées atteignent 24 cm crête à creux.


 Localisation de l’épicentre du séisme (étoile rouge) et des ressentis de l’événement (carte en haut à droite, ©CSEM-EMSC) et position des marégraphes pour lesquels le signal tsunami enregistré est le plus significatif (épingles jaunes, carte googleearth).


Le signal tsunami enregistré à Katakolo (KATA, ci-dessus), situé à environ 70 km au nord-est de l’épicentre, indique des amplitudes de vague maximale crête à creux de 24 cm. Le contenu fréquentiel permet d'identifier plusieurs périodes de vagues : à 8, 15 et 20 min. Le niveau d’eau semble être perturbé pendant environ 4 heures. La chronologie d’arrivée du tsunami sur cet enregistrement reste à confirmer.


Le signal tsunami enregistré à Kyparrissia (NOA08, ci-dessus), situé à environ 100 km à l’est de l’épicentre, indique une première vague à 23h11 TU et des amplitudes de vague maximale crête à creux de 20 cm. Le contenu fréquentiel permet d'identifier une période de vagues principale autour de 8-10 min. Le niveau d’eau semble être perturbé pendant environ 4 heures également.


Le signal tsunami enregistré à Crotone (CR08, ci-dessus), situé à environ 350 km à l’ouest-nord-ouest de l’épicentre, indique une première vague à 23h57 TU et des amplitudes de vague maximale crête à creux de 20 cm environ. Le contenu fréquentiel permet d'identifier une période de vagues dominante à 10 min. Le niveau d’eau semble être perturbé pendant au moins 6 heures.

Le signal tsunami enregistré à Le Castella (LCST, ci-dessous), situé à environ 350 km à l’ouest-nord-ouest de l’épicentre également, indique une première vague à 23h42 TU. En revanche, les amplitudes de vague sont plus faibles, avec un maximum crête à creux de 12 cm. Le contenu fréquentiel permet d'identifier une période de vagues dominante à 4 min. Le niveau d’eau semble être perturbé pendant 5 heures environ.



Le signal tsunami enregistré à Otranto (OT15, ci-dessus), situé à environ 340 km au nord-ouest de l’épicentre, indique une première vague à 23h32 TU. Le contenu fréquentiel permet d'identifier une période de vagues dominante à 10 minutes. Deux trains de vagues se détachent. Les hauteurs d’eau maximales atteintes crête à creux sont de 12 cm, au cours du second train de vagues. Le niveau d’eau semble être perturbé pendant 3.5 heures environ.

Simulations

Des premières simulations de ce tsunami ont été réalisées avec le code tsunami du CEA, dans un premier temps sur une grille relativement grossière (pas d’espace de 200 m).


 Grille bathymétrique de résolution 200 m utilisée pour la simulation

Le modèle de source utilisé est le glissement cinématique distribué issu des inversions fournies par Bertrand Delouis (disponible sur Twitter @BertrandDelouis : https://twitter.com/bertranddelouis).



 [gauche] coupe de la distribution du glissement sur le plan de faille à pendage est du modèle de source de Bertrand Delouis (figure B. Delouis, Géoazur, @BertrandDelouis) et [droite] vue en plan des épicentres (fore, main aftershocks) déterminés par le National Obervatory of Athens superposés à ce même modèle de source (figure R. Lacassin, IPGP, @RLacassin). La concordance entre la plupart des aftershocks (cercles bleus) et le patch principal de glissement est bonne.

Les résultats des modélisations en océan profond (grille à 200 m) montrent trois principaux axes d’énergie du tsunami, dont l’un impacte la zone côtière de Crotone et un autre celle d’Otranto.


 Hauteurs d’eau maximale après 4 heures de temps de propagation du tsunami, obtenues sur la grille à 200 m, pour la source cinématique de B. Delouis

REFERENCES
Ganas, A., Elias, P., Bozionelos, G., Papathanassiou, G., Avallone, A., Papastergios, A., ... & Briole, P. (2016). Coseismic
deformation, field observations and seismic fault of the 17 November 2015 M= 6.5, Lefkada Island, Greece earthquake. Tectonophysics,
687, 210-222.
Papadimitriou, P., Chousianitis, K., Agalos, A., Moshou, A., Lagios, E., & Makropoulos, K. (2012). The spatially extended 2006 April
Zakynthos (Ionian Islands, Greece) seismic sequence and evidence for stress transfer. Geophysical Journal International, 190(2), 1025-
1040.
Pérouse, E., Chamot-Rooke, N., Rabaute, A., Briole, P., Jouanne, F., Georgiev, I., & Dimitrov, D. (2012). Bridging onshore and offshore
present day kinematics of central and eastern Mediterranean: implications for crustal dynamics and mantle flow. Geochemistry, Geophysics,
Geosystems, 13(9).
Valkaniotis, S., Ganas, A., Papathanassiou, G., & Papanikolaou, M. (2014). Field observations of geological effects triggered by the
January–February 2014 Cephalonia (Ionian Sea, Greece) earthquakes. Tectonophysics, 630, 150-157.