Dossiers scientifiques
 

Tsunami et onde de choc générés par l'explosion du volcan sous-marin Hunga Tonga-Hunga Ha’apia


Contexte

Le volcan sous-marin Hunga-Tonga dans les Iles Tonga, environ 65 km au nord de la capitale du pays a produit une très violente explosion le samedi 15/01/2022 à environ 04h15 TU (17h15 heure locale (Tonga), 18h15 heure de Tahiti et 05h15 heure de Paris). Ce volcan était entré en éruption fin décembre 2021.

Le volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apia est un volcan essentiellement sous-marin d’environ 4000 m de haut dont seul le sommet est émergé. L’explosion a généré un tsunami transocéanique qui, de par sa puissance, n’a pas simplement concerné les iles voisines mais tous les pays du bassin Pacifique, du Japon jusqu’au Chili.

Aucune localisation sismique rapide n’a été effectuée par aucun institut de surveillance sismique car l’énergie émise par l’explosion s’est principalement diffusée dans la mer et dans l’atmosphère. Ainsi, pratiquement aucune énergie n’a été détectée par des sismomètres régionaux. Les seules localisations disponibles pour cet événement ont été émises par l‘USGS environ 13 heures après l’événement et par le GFZ plus de 36 heures après. Les magnitudes calculées par ces instituts (5.8) ne doivent pas être comparées avec des magnitudes d’événements sismiques car les mécanismes ne sont pas comparables.


 Iles et Etats du Pacifique Sud et position du volcan entré en éruption le 15/01/2022 (étoile jaune). (Source : Spiridon Ion Cepleanu, CC BY-SA 3.0 , via Wikimedia Commons)

Tsunami local et régional

Le tsunami a été le plus violent sur les Iles Tonga et notamment sur l’île principale où se trouve la capitale, Nuku’alofa qui a été frappée quelques minutes plus tard. Des vagues de l’ordre de 1,4m (0-crête) ont été mesurées sur le marégraphe local avant que la station n'arrête d'émettre.

En effet, 48 heures après l’explosion, les communications de l’ile avec l’extérieur étaient toujours coupées sans doute à cause de la rupture de câbles Internet sous-marins, ce qui rend l'estimation des dégâts très difficile. Les premières images satellite de la zone indiquent d'importants dégâts liés au tsunami.


 Marégraphe de Nuku’alofa, capitale des Iles Tonga. Données coupées le 15/01 à 05h24 TU et reprises le 17/01 à 03h10 TU.


 Carte des temps théoriques d’arrivée du tsunami en cas d’une source située sur le volcan des Tonga. Bathymétrie ETOPO2. La simulation des temps de propagation du tsunami a été effectuée avec le logiciel Tsunami Travel Time (TTT) distribué par le Centre International d’information sur les Tsunamis (ITIC).

Le tsunami a ensuite frappé, entre autres, les iles et Etats suivants : Iles Fidji, Iles Samoa, Wallis, Futuna parmi les plus proches mais aussi la Nouvelle Calédonie, les Iles Loyauté et la Polynésie française parmi les iles françaises. Les observations de changement du niveau de la mer mesurées sur les marégraphes des îles du Pacifique mis à disposition sur le site de la COI (Commission océanographique intergouvernementale) ont indiqué les valeurs ci-dessous. Selon les sites, les surcotes peuvent être plus ou moins importantes que les sèches.

Hauteur de vagues mesurées (0-crête) :
- Iles Tonga : 1,5 m
- Iles Samoa : 50 cm
- Wallis (à 700 km de distance) : < 10 cm
- Futuna : pas de mesure faute de marégraphe en fonction
- Nouvelle Calédonie (à 1800 km) : 1,3 m à Ouinne
- Tahiti, PF (à 2700 km): 40 cm
- Iles Marquises, PF : 50 cm


 Données marégraphiques à Mata-Utu (Wallis). Malgré la proximité relative de l’Ile par rapport au volcan (~700 km), on n’observe qu’une très légère variation du niveau de la mer.


 Amplitude des signaux des marégraphes dans le Sud-Ouest Pacifique et en Polynésie française lors du passage du tsunami ayant suivi l’explosion du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apia le 15 janvier 2022 (amplitude maximale à Nuku Hiva = 60 cm) (source LDG/Pamatai)


 Effets du tsunami à la plage de Mairie d'Arue sur la côte nord de l’île de Tahiti (source LDG/Pamatai)


 Effets du tsunami à la Pointe Vénus sur la côte nord de l’île de Tahiti (source LDG/Pamatai)


 Effets du tsunami à Papenoo sur la côte nord de l’île de Tahiti (source LDG/Pamatai)


 Effets du tsunami à la plage de Hiti Mahana sur la côte nord de l’île de Tahiti (source LDG/Pamatai)


 Données marégraphiques à Ouinne (Nouvelle-Calédonie). Ici, la surcote est plus faible que le retrait de la mer (environ 1 m pour 1,5 m)

Tsunami transocéanique

Dans les heures qui ont suivi, le tsunami a atteint les côtes des différents pays du bassin Pacifique avec des vagues dépassant parfois le mètre et surtout des perturbations du niveau de mer pendant de longues heures. Les figures ci-dessous montrent les signaux de marégraphes en Californie et au Chili.


 Données marégraphiques à Monterey (Californie, USA)


 Données marégraphiques à Valparaiso (Chili)

Tout autour du Pacifique, les perturbations du niveau de l’océan ont perduré pendant plus de 24 heures après le passage du tsunami tout en s’atténuant.

Dix-huit heures après le passage des principaux trains de vagues, les marégraphes polynésiens enregistraient encore des variations importantes du niveau de la mer avec environ 50 cm crête à creux à Nuku Hiva, 20 à 30 cm à Hiva Oa et 10 cm à Papeete (Tahiti).

L’amplification des hauteurs des vagues dues à la bathymétrie en pente faible sur les côtes continentales a bien été observée (en opposition aux pentes fortes des îles et atolls qui n’amplifient pas les vagues de tsunami).

Enregistrement de l’onde de choc à grande distance

L’onde de choc générée par l'explosion du volcan Hunga-Tonga a été enregistrée dans le monde entier principalement par des capteurs infrasons mais aussi par des capteurs sismiques par couplage de l’onde acoustique avec le sol lors de son passage au niveau des capteurs.

En France, soit à environ 17 000 km de distance du volcan, les capteurs du CEA ont parfaitement enregistré le passage de cette onde acoustique en particulier sur des capteurs infrasons en Essonne et sur des capteurs sismiques longue-période dans le Morvan, dans le Limousin et dans les Alpes.

Les temps d'arrivée observés (autour de 19h30 TU) correspondent bien à ceux d'une onde acoustique arrivant par le nord et se propageant depuis sa source à une vitesse proche de celle du son, soit environ 1100 km/h. Environ 5 heures plus tard, autour de 00h30 TU le 16/01, une seconde onde du même type mais beaucoup plus faible est enregistrée. Il s'agit de l'onde acoustique s'étant propagée dans la direction opposée et qui arrive cette fois par le sud après un parcours d'environ 23 000 km. D'autres instituts de sismologie à travers le monde ont fait les mêmes observations. Ces enregistrements témoignent de la puissance colossale de cet événement.


 Onde de choc générée par l'explosion du volcan Hunga-Tonga enregistrée sur un capteur infrason en Essonne (première ligne) et sur des capteurs sismiques longue-période dans le Morvan (2è ligne), le Limousin (3è ligne) et dans les Alpes (4è ligne) soit à environ 17 000 km de distance. L’inversion de l’ordre des arrivées de la première onde (flèches bleues) et de la deuxième onde (flèches rouges) montrent que la deuxième s’est propagée dans le sens opposée et est arrivée par le sud. Les données sont filtrées passe-bas avec une fréquence de coupure de 20 secondes.