LE MONDE : lundi 22 octobre 2001

Claudie Haigneré en route pour la station spatiale internationale

MARIE-PIERRE SUBTIL

Pour la deuxième fois de sa carrière, la cosmonaute Claudie Haigneré, 44 ans, s'est envolée, dimanche 21 octobre, de la base spatiale de Baïkonour (Kazakhstan). Le centre national d'études spatiales (CNES) a payé quelque 12 millions de dollars pour cette mission baptisée "Andromède". La Française sera accompagnée de deux Russes, Victor Afanassiev et Constantin Kozeïev. Leur vaisseau Soyouz devrait s'amarrer à l'ISS dans la matinée du 23 octobre.

MOSCOU correspondance

C'est un rituel, que l'équipage a respecté avec un plaisir évident. Le commandant, Victor Afanassiev, un "vieux routier" de l'espace, s'est longuement appliqué, cherchant les mots justes pour rendre hommage aux anciens. Puis ses deux acolytes, les ingénieurs de bord Claudie Haigneré et Constantin Kozeïev, assis comme lui derrière le bureau de Youri Gagarine, figé dans son décor des années 1960, ont signé le texte. Avant chaque vol dans l'espace, les astronautes russes ajoutent une page au livre d'or des équipages, sacrifiant à un rituel qui passe aussi par un dépôt de roses sur la place Rouge.

La scène se passait à la Cité des étoiles, le centre d'entraînement des astronautes russes, à une trentaine de kilomètres du centre de Moscou, dix jours avant que l'équipage ne s'envole, dimanche 21 octobre, depuis Baïkonour (Kazakhstan) à bord d'un vaisseau Soyouz en direction de la Station spatiale internationale (ISS). "Une aventure humaine. Ici, une grande place est tenue par l'individu", se réjouissait Claudie Haigneré, qui vient de passer neuf mois à la Cité des étoiles pour préparer ce vol et parle très correctement le russe.

L'astronaute française, qui a rejoint en 1999 le corps des astronautes de l'Agence spatiale européenne (ESA), sera la première Européenne à effectuer un "vol taxi" en direction de l'ISS. La mission durera dix jours, dont huit passés à bord de la station en compagnie des actuels locataires : les Russes Vladimir Dezhurov et Mikhaïl Tyurin et l'Américain Franck Culberston. L'objectif principal de ce vol : apporter un vaisseau Soyouz tout frais à ces trois hommes - dans l'ISS depuis le 12 août - pour permettre demain leur retour sur Terre ou leur sauvetage précipité en cas d'accident dans l'ISS. Pour cette raison, Claudie Haigneré repartira à bord du Soyouz moins récent, actuellement accroché à la station. Les Soyouz doivent en effet être remplacés tous les six mois pour des raisons techniques.

UNE SÉRIE D'EXPÉRIENCES

Mais ce vol franco-russe n'est pas qu'un "vol taxi". L'équipage doit réaliser au cours de son séjour toute une série d'expériences portant aussi bien sur l'étude de l'ionosphère et les sciences de la vie que l'observation de la Terre. Baptisée Andromède, cette mission répond à une initiative du ministère français de la recherche et s'inscrit dans le cadre d'un accord passé entre le Centre national d'études spatiales (CNES), l'Agence spatiale russe Rosaviakosmos et la société russe Energuia.

Les expériences menées à bord de la station le seront pour le compte du CNES, et aussi, dans une moindre mesure, pour celui de l'ESA et de l'agence spatiale allemande DLR. Mais c'est la partie française qui prend en charge le financement de l'opération, soit 12 millions de dollars. A titre de comparaison, "le touriste de l'espace", l'Américain Dennis Tito, qui avait financé lui-même son voyage pour se rendre en avril à bord de l'ISS, avait payé 20 millions de dollars. Une manne pour Rosaviakosmos et l'industrie spatiale russe, qui vit essentiellement des accords internationaux : le budget fédéral ne lui consacre que 150 millions de dollars par an (1 milliard de francs) estime un expert. A titre de comparaison, le budget annuel de l'ESA s'élève à 2,6 milliards d'euros (17 milliards de francs).

Au cours de leur préparation, outre un entraînement physique en Sibérie et en mer Noire, les trois astronautes ont effectué un séjour à Toulouse afin de se familiariser avec les expériences qu'ils devront mener pour les scientifiques du Collège de France, du Commissariat à l'énergie atomique, en passant par les universités de Nancy ou Toulouse notamment. Claudie Haigneré doit rapporter 12 kilos de données relatives aux expériences menées à bord de l'ISS. Certaines resteront à bord et continueront d'être utilisées lors de missions ultérieures.

Lorsqu'on l'interroge sur l'opportunité de poursuivre ce genre de missions, Claudie Haigneré répond qu'il s'agit d'un "projet majeur", en invoquant "l'ambition de travailler ensemble pour bâtir le futur". Et si elle se réjouit de sa collaboration avec des confrères russes, ce n'est pas seulement parce que "ici, c'est (sa) deuxième maison. La Russie a un long passé derrière elle, rappelle-t-elle, et son rôle doit être un grand rôle".

Le gouvernement français en est persuadé : il milite pour le renforcement de la coopération entre l'Europe et la Russie, et étudie la possibilité de tirer à des fins commerciales des lanceurs russes Soyouz de capacité moyenne à partir de la base spatiale guyanaise de Kourou. L'Europe ne pouvant compter actuellement que sur un lanceur en fin de vie, Ariane-4, et un lanceur lourd, Ariane-5, dont les vols - après un récent échec - devraient reprendre prochainement. Les différents pays membres de l'Agence spatiale européenne évaluent actuellement la validité de ce projet et devraient en discuter à l'occasion de la conférence des ministres européens de l'espace, qui se tiendra les 14 et 15 novembre à Edimbourg (Ecosse). Une décision sur ce point pourrait être prise en début d'année prochaine.

Ce sujet sera d'ailleurs peut-être évoqué par le premier ministre, Lionel Jospin, qui devrait être en visite à Moscou les 22 et 23 octobre. Il pourrait assister à la retransmission de l'amarrage du vaisseau Soyouz à l'ISS dans l'après-midi du 23 octobre au centre de contrôle des vols habités (Tsoup) et s'entretenir en directavec la Française.
 

Un programme chargé

Durant son séjour, Claudie Haigneré effectuera toute une série d'expériences :

Observation de la terre


Sciences de la vie


Techniques


Claudie Haigneré et ses deux coéquipiers russes s'envolent vers l'ISS

L'astronaute française Claudie Haigneré et ses deux coéquipiers russes se sont envolés dimanche vers la Station spatiale internationale (ISS) pour remplacer la capsule de secours de la station et réaliser un large programme scientifique. Le vaisseau Soyouz emportant le premier équipage franco-russe dans l'histoire de l'ISS a décollé à 08h59 GMT depuis le cosmodrome de Baïkonour au Kazakhstan et a été placé sur orbite avec succès neuf minutes plus tard. Le Soyouz doit s'arrimer à l'ISS mardi à 10h36 GMT, a précisé à l'AFP le Centre de contrôle des vols spatiaux (TsOuP), en banlieue de Moscou. Ingénieur de bord dans cette mission de dix jours intitulée Andromède, Claudie Haigneré sera la première Française et la première Européenne à bord de l'ISS. Elle travaillera aux côtés du commandant de vol Viktor Afanassiev et d'un autre ingénieur de bord, Konstantin Kozeïev. Le mari, la mère et la soeur de Claudie Haigneré ont assisté au lancement, ainsi que le ministre français de la Recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce dernier, qui voyait pour la première fois un lancement à Baïkonour, a dit à l'AFP avoir ressenti "beaucoup d'émotion et une grande admiration pour le courage des astronautes et particulièrement de Claudie Haigneré".(AFP)