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SEISME ET TSUNAMI DE SUMATRA 26 décembre 2004


Le séisme (lien rapide vers Figure du déplacement initial)
La propagation du tsunami (lien rapide vers Animation GIF 7,3 Mo)
Hauteur de vague (lien rapide vers Figure)
Références


Description de l’événement

Le 26 Décembre 2004 à 0h58 (Temps Universel), soit 1h58 à Paris et 7h58 à Sumatra, s'est produit l'un des plus importants séismes jamais enregistrés, avec une magnitude actuellement estimée à Mw=9,0. Sur la figure 1 est représenté le déplacement vertical du sol lors du passage, en Europe, des ondes sismiques associées au séisme du 26/12/2004. Le déplacement vertical du sol a atteint 2 cm d’amplitude. Un tel déplacement, bien qu’exceptionnel, n’est pourtant pas perceptible par l’homme, car la longueur d’onde du phénomène est de l’ordre de la centaine de kilomètres.

Figure 1 : Enregistrement du déplacement vertical du sol en Europe. Le déplacement maximal a atteint 2 cm environ.

Ce séisme a déclenché l'un des plus importants tsunamis observés depuis une centaine d'années, au moins dans cette région de l'Océan Indien.

Caractéristiques du séisme

Cet événement ayant déclenché le système d’alerte mis en œuvre par le Centre Sismologique Euro-Méditerranéen, il a été localisé en urgence par le sismologue d’astreinte du DASE. La localisation de cet événement (3,50° Nord, 95,72° Est) a été calculé en utilisant un ensemble de près de 300 mesures obtenues sur un grand nombre de stations simiques. Elle situe l’événement au large de la pointe Nord-Ouest de l'île de Sumatra. La magnitude de cet événement (estimée à 9,0) en fait l'événement le plus important pour cette région depuis l'installation de réseaux sismiques mondiaux. Dans les heures qui ont suivi, de très nombreuses répliques (plus de 500) ont pu être détectées par le réseau du DASE, dont la plus importante s'est produite le même jour à 4h21 (TU) et a atteint la magnitude 7,3. L'ensemble de ces répliques se localise sur une région s'étendant sur plus de 1000 km, jusqu'aux îles Andaman (Figure 2).

Figure 2 : Localisation des répliques enregistrées jusqu’au 6 Janvier. Le choc principal est indiqué par une étoile ; le rectangle donne une indication de la zone rompue par celui-ci.

Contexte sismo-tectonique

La région de l'île de Sumatra est une zone frontière entre deux plaques tectoniques. La plaque Indo-Australienne s'enfonce sous l'île de Sumatra à une vitesse voisine de 5 cm/an (zone de subduction). La déformation de la région côtière de l'île, induite par cette convergence rapide, est accompagnée par la naissance de très forts séismes. Les événements de 1833 (Magnitude~9) et 1861 (Magnitude~8,5) ont ainsi rompu l'interface de subduction sur près de 500 et 250 km au centre de l'île, relaxant des dizaines d'années de charge de contraintes lors de glissements sismiques de plusieurs mètres d'amplitude.
Plus récemment les forts séismes de 1935 et 1984, plus modérés, ont rompu de petites régions jouxtant ces ruptures majeures. En revanche, aucun événement sismique majeur n’était connu dans la région qui les jouxte au Nord et ce jusqu’aux îles Nicobar et Andaman où les ruptures de 1881 et 1941 (M~8) ont engendré des tsunamis.

Figure 3 : Carte sismotectonique montrant la localisation des zones ayant rompu lors des grands séismes connus de la région.

 

Analyse détaillée de l'événement

Les caractéristiques précises de ce séisme ne sont pas encore totalement connues, mais on peut d'ores et déjà en estimer certains paramètres comme le mécanisme au foyer. Plusieurs organismes proposent actuellement un mécanisme dont la caractéristique principale est une faille orientée Nord 310° environ. Concernant l'extension de la zone rompue, les avis sont par contre notablement différents d'un organisme à l'autre avec des longueurs de faille variant de 400 à près de 1000 km. D'après nos travaux en cours sur la modélisation de la rupture, il semblerait que la taille de faille rompue soit de l'ordre de 600 km (Figure 2). Cette zone correspond manifestement à la zone non rompue par les événements de Sumatra de 1833 et 1861. La détermination précise des caractéristiques de la source sismique requiert des travaux de modélisation qui prendront probablement plusieurs mois.

La simulation du tsunami

Bien que les caractéristiques de la source sismique ne soient pas encore complètement connues à l'heure actuelle, on peut raisonnablement en estimer les paramètres principaux et ainsi proposer une simulation de la propagation du tsunami dans tout l'Océan Indien.

Plusieurs localisations de la zone origine du tsunami ont été testées; elles montrent que l'impact du tsunami en Inde et au Sri Lanka est cohérent avec une faille s'étendant au Nord de l'épicentre du séisme, vers les îles Andaman et Nicobar, avec une direction orientée un peu plus Nord-Sud. La distribution des répliques actuellement connues est aussi en bon accord avec cette géométrie. La longueur pourrait alors atteindre 1000 km, mais cette valeur suggère plutôt une magnitude Mw=9,5, comme pour le séisme du Chili de 1960. Pour une magnitude Mw=9 des relations empiriques proposent plutôt une valeur de 600 à 800 km, avec une largeur de 100 km environ (Kanamori et Anderson, 1975) (Figure 4). Quant au déplacement le long de la faille, une valeur de 12m est envisageable (Scholz, 1982) (Figure 5).

Figure 4 : L'étoile rouge indique le séisme qui a eu lieu à Sumatra en 2004. M0: moment sismique, A: surface de faille
(d'après Kanamori et Anderson, 1975).

Figure 5 : Relation entre le déplacement moyen u et la longueur de faille L pour les séismes majeurs. On peut raisonnablement estimer à 12m le déplacement de celui de Sumatra  (ellipse rouge) (d'après Scholz, 1982).

Prenant en compte le contexte sismotectonique de la région et les résultats préliminaires de l'analyse du séisme, les paramètres nécessaires à la modélisation du tsunami ont été déterminés. Ils sont décrits dans le tableau ci-dessous :

X, Y 
(centre du tronçon )
Extension du tronçon Profondeur du centre (km) Direction, pendage, glissement Moment (Nm) Mw Déplacement moyen (m)
93.4°E   6.6°N
600 x 100
20
350°  12°  98°
3.7 1022
9.0 12.5
94.3°E  4.1°N
330°  12°  98°

En utilisant les paramètres de faille décrits ci-dessus, les déplacements verticaux en surface sont compris entre -4 et 8 m (Figure 6).

Cet événement devrait fortement contribuer au débat scientifique concernant les relations théoriques entre différents paramètres caractéristiques, comme la magnitude, les dimensions de faille, le déplacement... relations assez mal contraintes du fait de la rareté de ce type d'événement.

Figure 6 : Carte présentant les déplacements initiaux utilisés pour la simulation de la propagation du tsunami.

La propagation du tsunami

La propagation est modélisée en utilisant un schéma aux éléments finis développé au DASE (Heinrich et al., 1996 ; Heinrich et al., 1998 ; Hébert et al., 2001), qui résout les équations hydrodynamiques de Navier-Stokes. La vitesse du tsunami peut être approximée par la relation c = (gh)1/2, où g est l'accélération due à la gravité et h la profondeur de l'océan.

Nous avons utilisé une grille bathymétrique avec un maillage de 5' (environ 10 km de côté), obtenue à partir d'un modèle global résultant de mesures altimétriques (Smith et Sandwell, 1997).

GIF animation 

Figure 7 : Animation simulant la propagation du tsunami dans l’océan Indien.

On remarquera tout particulièrement la forte réflexion du tsunami sur la côte orientale de l'Inde et du Sri Lanka.

Hauteurs de vague maximales


La figure 8 représente l'impact du tsunami dans l'ensemble de l'Océan Indien. La hauteur maximale de vague, calculée en eaux profondes, varie de 5 cm à 3 mètres. Cette hauteur de vague peut être fortement amplifiée lorsque le tsunami atteint la côte en fonction de la bathymétrie locale. Cette simulation montre que l'énergie est principalement rayonnée vers l'est et l'ouest, ce qui est cohérent avec les effets maximaux observés.

Figure 8 : Carte montrant l’amplitude maximale des ondes du tsunami dans l’océan Indien. On remarque le fort effet de directivité vers l'est et l'ouest .

Informations générales sur les tsunamis

Il existe des brochures destinées à fournir des informations sur les tsunamis et leur prévention publiées par la Commission Océanographique Intergouvernementale de l'UNESCO. Elles sont disponibles en anglais, français et espagnol sur le site www.prh.noaa.gov/itic/.

Références

. Hébert, H., P. Heinrich, F. Schindelé, and A. Piatanesi, Far-field simulation of tsunami propagation in the Pacific Ocean: impact on the Marquesas Islands (French Polynesia), Journal of Geophysical Research, 106, C5, 9161-9177, 2001.
. Heinrich, P., S. Guibourg, and R. Roche, Numerical modeling of the 1960 Chilean tsunami; Impact on French Polynesia,Physics and Chemistry of the Earth, 21, 19-25, 1996.
. Heinrich, P., F. Schindelé, S. Guibourg and P.F. Ihmlé, Modeling of the February 1996 Peruvian tsunami,Geophysical Research Letters, 25, 2687-2690, 1998.

. Kanamori, H., and D.L. Anderson, Theoritical basis on some empirical relations in seismology, Bulletin of the Seismological Society of America, 65, 1073-1095, 1975.
. Scholz, C.E., Scaling laws for large earthquakes: consequences for physical models, Bulletin of the Seismological Society of America, 72, 1, 1-14, 1982.
. Smith, W.H.F., and Sandwell, D.T., Global seafloor topography from satellite altimetry and ship depth soundings, Science, 277, 1956-1962, 1997.


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en savoir plus
 
Le Centre Sismologique Euro-Méditéranéen (Séisme du 26/12/04).
  La sismologie au Département Analyse Surveillance Environnement