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Deux violents séismes de magnitude Mw 7.9 et 7.4 se sont produits le 3 janvier 2009 à moins de 3 heures d’intervalle, respectivement à 19:43 TU et 22:33 TU. Ils sont localisés sur la zone de subduction se situant au Nord Ouest de la Nouvelle Guinée, en Indonésie. La sismo-tectonique de cette zone est particulièrement complexe, puisqu’elle se trouve au carrefour des trois plaques tectoniques majeures Eurasienne, Indo-australienne et Pacifique.
Le dernier bilan de ces deux séismes fait état d'un mort et de cinquante deux personnes blessées. Une alerte au tsunami a été lancée puis rapidement levée. Les deux séismes ont été fortement ressentis par la population ce qui a donné lieu à des scènes de panique ; plusieurs bâtiments ont été endommagés ou se sont effondrés.
L'impact du séisme a été ressenti jusqu'au Japon, où de petites vagues de tsunami ont été observées dimanche 4 janvier sur les côtes bordant l'océan Pacifique, a indiqué l'agence météorologique japonaise, qui a conseillé aux habitants de rester éloignés des plages.


Modélisation préliminaire de la source sismique

A partir des ondes de volume P et S enregistrées sur 15 stations large-bande distantes de 3000 à 10 000 km du séisme, on a cherché à déterminer par inversion les caractéristiques statiques de la source sismique (mécanisme au foyer, profondeur et durée de la rupture), ainsi que certains paramètres cinématiques (amplitudes du glissement sur la faille, vitesse de rupture).

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 Figure 1: Carte des 12 stations IRIS et 3 stations large bande de Madagascar, Mongolie et Népal qui ont été utilisées pour la détermination de source sismique. Cette carte est centrée sur le 1er évènement.


Premier événement

Les paramètres géométriques obtenus pour le premier événement (figure 2) sont cohérents avec la tectonique régionale : l’azimut, le pendage et le glissement de la faille (respectivement 97°, 30° et 63°) confirment un séisme de subduction inter-plaque, entre la plaque australienne et la plaque pacifique, qui plonge dessous. La plaque pacifique se déplace vers le Sud Ouest par rapport à la plaque australienne, à une vitesse d’environ 112mm/an.
Le glissement sur la faille (6m au maximum, en mer : voir figure 4), son extension horizontale (entre 150 et 200km), sa faible profondeur (<15km) et une propagation up-dip (rupture se propageant vers la surface) expliquent la génération d’un tsunami. La rupture est bilatérale et s’est propagée pendant environ 40s sur une centaine de kilomètres de part et d’autre de l’hypocentre.

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  Figure 2 : Modèle de rupture du 1er évènement et comparaison des formes d’onde enregistrées (en noir) et simulées (en rouge) filtrées dans la bande [80s 16.7s]. Les ondes télésismiques SH sont représentées dans le cercle intérieur jaune et les ondes télésismiques P dans le cercle extérieur rouge. A droite, on retrouve la répartition elliptique du glissement obtenu par la méthode des patchs (Martin Vallée, 200X).


Deuxième événement

La localisation, la profondeur et le mécanisme au foyer de ce 2ème évènement (figure 3) sont compatibles avec ceux du 1er évènement, et confirment donc que les 2 séismes ont bien eu lieu sur la même faille. La rupture de cet évènement est unilatérale, avec une propagation vers l’est principalement. La répartition des glissements laisse penser que ce 2ème évènement n’est pas une réplique mais qu’il a été déclenché par le 1er, les zones de glissement étant distinctes. La plus grande profondeur et un glissement plus ramassé, principalement localisé sous l’ile, expliquent que cet évènement n’a pas généré de tsunami.

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Figure 3 : Modèle de rupture du 2ème évènement et comparaison des formes d’onde enregistrées (en noir) et simulées (en rouge) filtrées dans la bande [80s 6.7s]. Les ondes télésismiques SH sont représentées dans le cercle intérieur jaune et les ondes télésismiques P dans le cercle extérieur rouge. A droite, on retrouve la répartition elliptique du glissement obtenu par la méthode des patchs (Vallée M. and M. Bouchon: Imaging co-seismic rupture in far-field by slip patches, JGI, 2004).



La figure 4 montre la localisation des glissements des 2 évènements, sur un fond de carte google Earth.

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 Figure 4 : Distribution du glissement des 2 évènements superposé à la répartition des répliques dont la magnitude est supérieure à 5 (source : CSEM. Les deux glissements sont bien distincts et sont cohérents avec la position moyenne des répliques.



Modélisation du déplacement induit en surface 03/01/2009


A partir du déplacement trouvé sur la faille, on estime le déplacement induit en surface en utilisant la formulation de Okada (1985) pour un demi-espace élastique homogène. L’estimation du maximum de déplacement vertical atteint environ 2m en mer, ce qui explique la génération d’un tsunami (figure 5).


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 Figure 5 : Distribution du déplacement vertical statique du sol, dans une région de 200km autour du séisme. L’échelle code les déplacements verticaux du sol. A la verticale du séisme, les fonds sous marins se sont soulevés de plus de 2 mètres alors que l’île a plutôt subi une subsidence d’environ cinquante centimètres.


Calcul des temps d’arrivée du tsunami

On a représenté sur les figures 6 et 7 les temps d’arrivée théoriques du tsunami, calculés à l’aide du code ttt (Tsunami Travel Time développé par le Dr. Paul Wessel, http://www.geoware-online.com) et de GMT (Generic Mapping Tools developpé par les Drs. Paul Wessel et Walter Smith, http://gmt.soest.hawaii.edu).
Ces heures d’arrivées théoriques sont cohérentes avec les temps d’arrivée publiés par le PTWC.

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 Figure 6 : Temps de propagation du tsunami dans une région de 5000km au Nord du séisme. Les triangles rouges sont les bouées DART.


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 Figure 7 : Sources sismiques, répliques, et propagation du tsunami. Les triangles rouges représentent les marégraphes ayant enregistré le passage du tsunami. Le texte à côté de chacun de ces triangles indique le nom du marégraphe, l’heure d’arrivée, l’amplitude et la période mesurée du tsunami.