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Séismes au Népal du 25 avril et du 12 mai 2015


Un séisme de magnitude 7,8 a eu lieu le 25 Avril 2015 à 6h11 TU au Népal (11h56 Heure locale). Son épicentre a été localisé à 80 km au nord-ouest de la capitale Katmandou. Ce séisme s’est produit dans la zone de convergence de deux grandes plaques tectoniques, la plaque Inde et la plaque Eurasie. Le mécanisme au foyer montre une source purement chevauchante en accord avec le jeu en faille inverse du chevauchement principal himalayen. 48 heures après l’événement principal, les réseaux mondiaux ont enregistré 49 répliques dont 40 de magnitude supérieure à 4.5, 20 de magnitude supérieure à 5 et 2 séismes de magnitude supérieure à 6.

Suite à ce fort séisme, un deuxième événement majeur s’est produit le 12 mai 2015 à 7 h 05 TU, de magnitude 7,3, localisé à l’extrémité est de la première rupture (Figure 1).


 Figure 1 : séismes du 25 avril et du 12 mai 2015 (étoiles jaunes), et zones de répliques (source des données : CSEM).

Localisation de la crise sismique et contexte sismotectonique.

La région touchée par cette crise sismique a déjà été affectée par plusieurs grands séismes historiques de magnitudes supérieures à 7. Elle avait été dévastée par le séisme de 1833 de magnitude (macrosismique) 7,7 et le grand séisme Nepal-Bihar de 1934 dont la magnitude est estimée à 8,2-8,4 (Figure 2).

Ces séismes se sont produits dans la zone de convergence de deux grandes plaques tectoniques, la plaque Inde converge relativement à l’Eurasie à environ 4 cm/an. La moitié de la convergence (2 cm/an) est accommodée par du raccourcissement au travers de la chaîne himalyenne sur une grande faille chevauchante qui constitue le chevauchement himalayen principal.

La sismicité du Népal, et plus particulièrement de la chaine himalayenne, résulte de cette collision entre les plaques indienne et eurasienne. Le grand chevauchement himalayen (MFT, Main Frontal Thrust) produit de très forts séismes destructeurs et soumet le Népal, mais aussi le Nord de l’Inde, à un niveau d’aléa sismique très élevé. Cette faille est verrouillée dans sa partie supérieure pendant les périodes qui séparent les forts séismes. Elle produit pendant cette période intersismique de très nombreux séismes de faible magnitude dont plusieurs sont ressentis par la population locale chaque mois. Ces petits séismes dissipent une énergie sismique négligeable devant celle des forts séismes.


 Figure 2 (modifiée de Bollinger et al., 2014) : Haut : localisation du séisme du 25 avril 2015 (étoile rouge) et des séismes historiques (étoiles jaunes) ayant eu lieu le long du chevauchement principal himalayen (ligne rouge avec barbules). Bas : coupe réalisée au travers de la sismicité du transect aa’. Sismicité de la période inter-sismique (en rouge : niveau de Katmandou, en jaune : est du Népal).

Séquence sismique/répliques

48 heures après l’événement principal du 25 avril 2015, les réseaux mondiaux avaient déjà enregistré 49 répliques dont 40 de magnitude supérieure à 4.5, 20 de magnitude supérieure à 5 et 2 séismes de magnitude supérieure à 6. Ces répliques se localisaient sur l’ensemble de la zone rompue et majoritairement sur la partie Est de la rupture (Figure 1 et Figure 5). Entre le 25 avril et le 11 mai 2015, environ 130 répliques de magnitude supérieure à 4 ont été enregistrées par les réseaux mondiaux. La crise sismique du 12 mai s’inscrit dans la continuité de la première rupture, avec une rupture bilatérale, et a donné lieu à une dizaine de répliques de magnitude supérieure à 4 dans les douze heures qui ont suivi.

Caractéristiques de la source

Inversion de la phase W :
Les données des stations sismiques ont été utilisées pour déterminer le mécanisme du séisme par inversion de la phase W à distance télésismique (Kanamori et Rivera, 2008). Le mécanisme obtenu (Figure 3) montre une source purement chevauchante en accord avec le jeu en faille inverse du chevauchement principal himalayen. Les plans nodaux du double couple sont (strike/dip/rake) : 295/6/108 et 96/85/88.


 Figure 3 : A gauche, mécanismes au foyer obtenu par inversion de la phase W à distance télésismique, pour les séismes du 25 avril et 12 mai 2015. A droite, exemples de sismogrammes (station ORIF localisée en France, point rouge sur le globe, et station RER à la Réunion) utilisés pour l’inversion de la phase W. On constate un bon accord entre l’observation en noir et la simulation en rouge.

Inversion cinématique :
La source des séismes a également été analysée en utilisant les signaux enregistrés à grande distance sur les stations sismiques des réseaux mondiaux (IRIS et CEA). Ce travail permet de décrire finement la propagation de la rupture sur la faille, avec un minimum de paramètres (méthode des patchs ; Vallée M. et Bouchon M., 2004).
Pour le séisme du 25 avril 2015, la longueur de rupture obtenue est de l’ordre de 100 km avec une directivité essentiellement vers le sud-est (Figure 4-haut). La solution donnée par l’inversion propose un glissement maximal concentré de l’ordre de 3 m. Pour le séisme du 12 mai, la directivité est clairement bilatérale, pour une durée de 15 s et un glissement maximal de 2 m environ (Figure 4-bas).


 Figure 4: Inversion cinématique des séismes du 25 avril 2015 (en haut) et du 12 mai 201( (en bas). Les résultats conduisent, pour le 25 avril, à une source de magnitude Mw 7,8 avec une directivité vers le sud-est (cohérent avec la distribution des répliques). Pour le 12 mai 2015, la directivité est bilatérale avec une rupture de 15 s environ.

Synthèse

La rupture du séisme du 25 avril 2015 pourrait être similaire à celle de 1833, la zone de glissement correspondant à la zone de dégâts maxima de ce séisme historique (Figure 2).

Dans les 48 premières heures après le séisme principal du 25 avril, les répliques sont restées localisées au niveau de la zone qui a probablement rompue et n’ont pas affecté l’ensemble des segments du grand chevauchement himalayen au sud et à l’ouest de l’épicentre (Figure 5). La rupture du 12 mai est très proche de la réplique principale du 25 avril, de magnitude 6.7.


 Figure 5: Distribution de glissement cosismique obtenue par inversion cinématique pour les séismes du 25 avril et du 12 mai 2015, et distribution des répliques.

REFERENCES
Bollinger L., S. N. Sapkota, P. Tapponnier, Y. Klinger, M. Rizza, J. Van der Woerd, D. R. Tiwari, R. Pandey, A. Bitri, and S. Bes de Berc (2014), Estimating the return times of great Himalayan earthquakes in eastern Nepal: Evidence from the Patu and Bardibas strands of the Main Frontal Thrust, J. Geophys. Res. Solid Earth, 119, 7123-7163, doi:10.1002/2014JB010970.

Kanamori H. and Rivera L. (2008), Source inversion of W phase: speeding up seismic tsunami warning, Geophys. J. Int., 175, 222–238, doi:10.1111/j.1365-246X.2008.03887.x.

Vallée M. and Bouchon M. (2004), Imaging coseismic rupture in far-field by slip patches, Geophys. J. Int., 156, 615-630, doi:10.1111/j.1365-246X.2004.02158.x.

Vallée M., Charléty J., Ferreira A. M., Delouis B., Vergoz J. (2011), SCARDEC: a new technique for the rapid determination of seismic moment magnitude, focal mechanism and source time functions for large earthquakes using body-wave deconvolution, Geophys. J. Int., 184, 338-358, doi:10.1111/j.1365-246X.2010.04836.x.