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Désintégration de météorites dans la région de Tcheliabinsk, Oural le 15/02/2013


Le 15 février 2013 à 03h20 TU, une météorite s’est désintégrée au-dessus des montagnes de l’Oural à 1500 km à l’est de Moscou (Figure 1). L’onde de choc de l’explosion a fait près de 1500 blessés et occasionné de nombreux dégâts matériels sur une vaste région localisée autour de la ville de Tcheliabinsk. Cet événement est, avec l’explosion de la météorite de Sulawesi du 8 octobre 2009, l’un des plus puissants jamais enregistré par le réseau du Système International de Surveillance (SSI) de l’Organisation du Traité d’Interdiction Complet des Essais nucléaires (OTICE). Les ondes acoustiques générées par l’explosion ont été détectées par 18 stations infrasonores, la plus éloignée, IS27, étant située en Antarctique à 15500 km de la source.


 Figure 1 : localisation de la région russe où la météorite s’est désintégrée le 15/03/2013 vers 03h20 TU.

L’événement a été détecté par les systèmes de traitements automatiques du Centre National de Données (CND) au DASE, ainsi que par le Centre International de Données (CID) à Vienne. Les traitements interactifs effectués dans les heures qui ont suivi l’événement ont permis d’identifier l’ensemble des signaux infrasonores associés à la météorite, et de fournir des résultats sur la localisation et une première estimation de l’énergie de la source.

Information sur l’évènement

Les dégâts matériels (bris de vitre, effondrement de bâtiments) ont été constatés principalement dans la ville de Tcheliabinsk (55.2N, 61.4E) et des vidéos amateurs locales attestent d’une pluie de météorites vers 03h20 TU résultant de la désintégration dans l’atmosphère d’un objet céleste important. La météorite a laissé dans le ciel une trainée de vapeur longue d’environ 500 km avant de se désintégrer à 23 km d’altitude (au point 54.80N 61.10E au maximum de luminosité selon un rapport du Department of Physics and Astronomy, University of Western Ontario, Canada). L’onde de choc de l’explosion principale a été accompagnée d’une dizaine de petites explosions liées à la désintégration de fragments. Bien que la plupart des fragments se soient consumés dans l’atmosphère, des cratères d’impacts de plusieurs mètres de diamètre ont été découverts près de Tchebarkoul et de Zlatooust. D’après la NASA,l’objet provenant de la ceinture d’astéroïdes, mesurait 17 mètres et pesait environ 10 mille tonnes. Cet évènement aurait libéré une énergie totale estimée à quelques centaines de kilotonnes de TNT.

Signaux détectés sur le réseau infrason

L’événement a été enregistré globalement par 18 stations du SSI. La carte de la Figure 2 présente les projections des azimuts détectés par les stations qui convergent vers la région de l’Oural où la météorite s’est désintégrée. L’explosion de la météorite a été suffisamment puissante pour que l’onde infrasonore fasse le tour complet de la terre. On observe en effet à la station IS27 en Antarctique l’arrivée directe (dans l’azimut 60°, après une propagation sur une distance de 15500 km) et 9 heures plus tard, l’arrivée dans la direction opposée le long du grand cercle (azimut 239°, après une propagation sur une distance d’environ 25000 km). De telles arrivées n’ont pas été observées depuis la dernière éruption majeure du Mont Saint Helens en 1980.


 Figure 2 : détections de la désintégration de la météorite du 15/02/2013 par 18 stations infrasons du réseau IMS.

La Figure 3 présente l’arrivée des premières ondes à la station IS27 en Antarctique. La direction d’arrivée du front de l’onde et la vitesse de passage sont calculées avec la méthode de corrélation PMCC (Progressive Multi-Channel Cross-Correlation). La période dominante des signaux associés à la météorite est comprise entre 10 et 50 s (couleur jaune pour l’azimut). Au-dessus de 0.1 Hz, d’autres détections permanentes (en rouge) sont caractéristiques du bruit généré par la houle océanique. La Figure 4 montre, sur la même station, environ 9 heures plus tard, la seconde arrivée dans la direction opposée.


 Figure 3 : détections en Antarctique des ondes propagées par le court chemin (environ 15000 km) dans la bande de fréquence 0.01 – 4 Hz.


 Figure 4 : détections en Antarctique des ondes propagées par le plus grand chemin (environ 25000 km) dans la bande de fréquence 0.01 – 4 Hz.

Localisation de l’événement et estimation de l’énergie

Les détections obtenues sur l’ensemble des stations infrasons ont été utilisées pour construire l’événement de manière automatique. L’événement formé, sans utiliser de modèle de vents qui dévie la trajectoire des ondes est localisé à 360 km au sud-est de Tcheliabinsk. Il a pour coordonnées 53.96N 66.50E et une heure origine de 03h37 TU. Les ondes générées par l’explosion de la météorite se sont propagées sur de très grandes distances, et les conditions atmosphériques très variables dans l’espace et le temps rendent complexes la modélisation de la propagation. Cependant, les conditions atmosphériques du 15/02/2013 montrent, au niveau de la source, des vents stratosphériques dominants dans la direction ouest-est. Les stations situées à l’est de l’événement sont donc favorablement positionnées pour pouvoir détecter un signal.

Lors de sa pénétration supersonique dans l’atmosphère, la météorite, fortement décélérée, s’est désintégrée. Il existe plusieurs relations empiriques permettant d’estimer son énergie. Celles-ci utilisent les mesures d’amplitude ou de période des signaux infrasons. L’énergie produite peut-être calculée en utilisant les relations établies à partir de campagnes de mesures d’explosions nucléaires de basse altitude. Elle correspond à la charge d’une explosion en équivalent TNT qui produirait les mêmes effets que le choc induit par la pénétration de la météorite dans l’atmosphère. L’application de ces formules conduit à une valeur moyenne comprise entre 50 et 80 kilotonnes (à titre de comparaison, la bombe d’Hiroshima avait une puissance d'environ 15 kt). Ces estimations sont comparables à celles de la météorite d’Indonésie du 8 octobre 2009 qui avait aussi généré des signaux enregistrés à des distances supérieures à 15000 km. Elles sont cependant inférieures à celles publiées par la NASA indiquant des valeurs dépassant 300 kt. De tels évènements sont exceptionnels par le nombre de stations détectant des signaux et les grandes distances de propagation, avec en moyenne une observation tous les dix ans.