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Séisme de magnitude 8,3 à l’ouest des côtes centrales chiliennes et tsunami associé


Un séisme de magnitude Mw 8,3 a eu lieu mercredi 16 Septembre 2015 à 22h54 Temps Universel (19h54 heure locale, 00h54 heure de Paris). Les autorités chiliennes ont lancé une alerte au tsunami pour l'ensemble des côtes du pays. Moins d’une demi-heure après ce séisme de magnitude importante, une réplique de magnitude Mw 7,0 a également été enregistrée. Dans les 4 heures suivant le choc principal, 15 répliques de magnitude supérieure à 5,0 ont été détectées et localisées. La Polynésie française a été placée en "vigilance" dans l'archipel des Marquises, le Centre Polynésien de Prévention des Tsunamis (CPPT, Laboratoire de Géophysique de Pamatai, Tahiti) ayant estimé que des vagues légèrement supérieures à un mètre localement pourraient impacter la zone, mais aucune alerte tsunami n'a été lancée.

CARACTERISTIQUES DU SEISME :
MAGNITUDE Mw 8,3 (calculée à partir de 38 stations)
REGION en mer, à l’Ouest de Illapel, au large des côtes du Chili
PROFONDEUR 10 km
LATITUDE -31,560°
LONGITUDE -71,580°
HEURE ORIGINE 22:54:33 TU
 
Villes du Chili les plus proches :
   46km à l’O de Illapel
   68km à l’ONO de Salamanca
   105km au NNO de La Ligua
   116km au SSO de Ovalle
   229km au NNO de Santiago


 Figure 1 : Localisation du séisme du 16 septembre 2015 et sismicité historique de la région.

1. Rappel du contexte sismotectonique

Le séisme du 16 septembre 2015 de magnitude 8,3 s’est produit au niveau de la zone de subduction du Chili central, à l’interface des plaques Nazca et Sud-américaine. Dans cette zone, la plaque océanique Nazca plonge sous la plaque Sud-américaine à une vitesse de 74 mm/an, suivant une direction ENE. La fosse du Pérou-Chili, qui marque l’entrée en subduction de la plaque Nazca, se situe 85 km à l’ouest du séisme du 16 septembre. Le Chili possède une longue histoire de séismes de subduction dévastateurs, tels que l’événement de Maule au Chili central en 2010 (M 8,8), qui a rompu l’interplaque sur environ 400 km de long, au Sud de ce séisme de 2015. Cette zone de subduction a également en héritage le plus grand séisme jamais enregistré, en 1960 au Sud-Chili (M 9,5). Si on regarde la sismicité sur les 100 dernières années, la région localisée dans un rayon de 400 km autour de cet événement de 2015 a enregistré 15 autres séismes de magnitude supérieure à 7. Plusieurs d’entre eux ont généré des tsunamis transocéaniques.

2. Mécanisme à la source

Les données des stations sismiques ont été utilisées par le CPPT pour déterminer le mécanisme du séisme par inversion de la phase W à distance télésismique (Kanamori et Rivera, 2008). Cette solution donne une magnitude de moment de 8,2. Le mécanisme obtenu (Figure 2) montre une source ayant une composante principalement chevauchante. Les plans nodaux du double couple donnent un azimuth quasiment nord-sud et un faible pendage vers l’est. La localisation du centroïde est 31,06°S, 71,69°O.


 Figure 2 : mécanisme du séisme obtenu par inversion de la phase W à distance télésismique.

3. Mesures marégraphiques et simulation tsunami

Ce séisme présentait un potentiel tsunamigène significatif : il s’agit d’un mouvement inverse pour lequel les déformations engendrées peuvent être considérables pour générer un tsunami majeur. Des vagues d’amplitude atteignant jusqu’à 4,75 m à Coquimbo ont effectivement été générées. Dans les zones impactées par le tsunami, les mesures d’élévation du niveau de la mer sont de quelques dizaines de centimètres jusqu’à 5 mètres localement le long des côtes chiliennes.

Hauteurs maximales observées par le CPPT sur différents marégraphes chiliens :
• Coquimbo : 5,0 m à 2015-09-16 23:49 UTC
• Pichidangui : 1,8 m à 2015-09-16 23:15 UTC
• Juan Fernandez : 1,1 m à 2015-09-17 00:22 UTC
• Valparaiso : 0,7 m à 2015-09-17 00:23 UTC
• San Antonio : 0,7 m à 2015-09-16 23:31 UTC
• Huasco : 0,7 m à 2015-09-16 23:53 UTC

Une simulation du temps d’arrivée estimé du tsunami a été réalisée par le CPPT, indiquant un impact de la 1ère vague sur la Polynésie entre 9 et 12h après le séisme (figure 3). Les hauteurs d’eau maximales du tsunami en eau profonde obtenues par simulation numérique sont également représentées. Notons la bonne correspondance entre ce modèle et les enregistrements des bouées DART (figure 4).


 Figure 3 : Hauteurs maximales (couleurs) et temps de trajet estimé de la 1ère vague (isochrones blanches) du tsunami généré par le séisme du 16 septembre 2015 au large des côtes chiliennes (simulation CPPT). Le point vert indique la position de la bouée DART n°32402 dont les données sont présentées dans la figure 4.


 Figure 4 : Comparaison entre l’enregistrement observé sur la bouée DART 32402 (26,743°S ; 73,983°O) et le modèle synthétique du tsunami présenté sur la figure 3 (CPPT).

L’archipel des Marquises a été placé en « vigilance », le CPPT ayant estimé des hauteurs maximales entre 0,30 m et 3 m (Figure 5). D'après la Direction de la Protection Civile, des vidanges et remplissages significatifs ont été observés dans la baie de Tahauku à Hiva Oa.


 Figure 5 : Synthèse des estimations des hauteurs maximales du tsunami du 16 septembre 2015 attendues en Polynésie française, pour Nuku Hiva et Hiva Oa aux Marquises (modélisation numérique CPPT).

Le tsunami a également été observé sur la marégraphie temps réel du CENALT.

Les enregistrements des capteurs de pression ou radar (pas d'échantillonnage 1min) ont été récupérés sur le site web de l’IOC (www.ioc-sealevelmonitoring.org) puis traités pour plusieurs stations chiliennes et polynésiennes (figure 6). Le signal filtré (courbe rouge, milieu) révèle des amplitudes maximales de 2 à 5 m crête-à-creux sur la côte chilienne. En Polynésie, les premières vagues sont observées avec une amplitude d’environ 45 cm à Rikitea, 25 cm à Papeete, et plus de 2 m crête-à creux à Nuku Hiva. Le spectrogramme montre que ce phénomène est associé à une période de 10 à 20 min environ.






 Figure 6 : Traitement des données des marégrammes de Coquimbo (COQU), Constitucion (CONST), Chañaral (CHNR), île de Pâques (EAST), Rikitea/Gambier (RIKI), Papeete (PAPE) et Nuku Hiva (Nuku) sur la période du séisme du 16 septembre 2015 réalisé au CENALT (voir localisation des sites sur la carte en haut). Le trait vertical noir indique l’heure du séisme.