Dossiers scientifiques
 

Information sur le séisme de Al Hoceima du 25/01/2016 à 04h22 TU


Le Laboratoire de Détection et de Géophysique (LDG) a localisé le 25 janvier 2016 à 04h22 TU (05h22 heure locale espagnole et française) un séisme de magnitude Mw = 6,4 dont l'épicentre se situe à environ 50 km au nord de Al Hoceima (Maroc) (Figure 1). Ce séisme a été suivi de plusieurs répliques ressenties en Espagne et au Maroc et dont la magnitude a atteint une valeur de Mw = 5,2 pour l’une d’entre elles.

Huit minutes après le séisme, une alerte au tsunami a été émise par le CENALT (CENtre d’ALerte aux Tsunamis) vers l'international, ainsi qu'un bulletin d'information pour les autorités nationales. Le niveau était celui d’un avertissement, à moins de 400 km de l’épicentre, pour l’Espagne, le Maroc, l’Algérie et la Grande-Bretagne (Gibraltar), et d’un message d’information au-delà de 400 km de l’épicentre.

  • Temps origine : 25/01/2016 à 04:22:01 TU
  • Situation : 62 km au nord d’Al Hoceima
  • Latitude : 35.53° N
  • Longitude : 3.81° E
  • Magnitude : 6.4
  • Profondeur : < 20km



 Figure 1 : Sismicité historique des événements tsunamigènes ou potentiellement tsunamigènes. Le séisme d’Alboran du 25/01/2016 à 04h22 TU est représenté par l’étoile jaune.

Contexte tectonique et sismicité régionale

Le séisme du 25 janvier 2016 s'est produit en Méditerranée occidentale près de la côte en mer d'Alboran (Figure 1). Cette région est caractérisée par une activité sismique complexe qui résulte de la déformation induite par la convergence des plaques tectoniques Afrique et Eurasie. La région a connu des séismes historiques et instrumentaux de magnitude 6 à 7, dont certains ont généré des tsunamis (e.g. 1680 et 1804).

  • La déformation est accommodée dans la zone épicentrale et, plus au sud dans le Rif, par un ensemble complexe de failles conjuguées, qui affectent une large zone de cisaillement trans-Alboran (Figure 2).
  • Ces dernières années, la région d'Al Hoceima a été la zone la plus active sismiquement (Figure 3). En effet, elle a été le siège de 2 séismes de magnitudes 6.0 et 6.4 en 1994 et 2004. Notamment, le séisme du 24 février 2004, localisé à moins de 50 km au sud du séisme du 26 janvier 2016, s’était produit sur un plan de faille décrochant senestre très similaire. Localisé au voisinage de la côte, très proche de la ville d’Al Hoceima, ce séisme avait fait plus de 630 victimes.



 Figure 2 : Carte structurale de la mer d’Alboran montrant les structures récentes et principaux dépôts-centre sédimentaires, ainsi que les principaux séismes et mécanismes au foyer associés aux essaims sismiques de Adra et Al Hoceima (Stich et al. 2001, 2003; Biggs et al. 2006). D’après Martinèz-Garcia et al. (2011).


 Figure 3 : (a) Distribution de la sismicité et mécanismes au foyer le long de la marge marocaine en mer d’Alboran [code couleur profondeur focale : bleu 1-5km, vert 5-20km, orange 20-50km, rouge 50-110km, gris = gap > 180°]. (b) Même zone avec les mécanismes au foyer issus de l’inversion du tenseur des moments [rouge : gCMT (http://www.globalcmt.org/CMTsearch.html); autres couleurs : mécanismes de Stich et al. (2003, 2005, 2006, 2010)]. La taille des mécanismes est proportionnelle à la magnitude ; les flèches indiquent les traces de faille. (d’après Grevemeyer et al., 2015).

Calcul du mécanisme au foyer

Les mécanismes au foyer, déduits du calcul par la méthode de la phase W, sont représentés sur la figure 4 (Kanamori et Rivera, 2008).
Une première solution (notée 1 sur la Figure 4) a été obtenue dans les 40 minutes qui ont suivi le séisme (associant 62 phases), puis une seconde (notée 2) environ 6 heures après (associant 64 phases). Les deux solutions sont très cohérentes et donnent une magnitude de moment Mw de 6.4. Le mécanisme obtenu montre une source ayant une composante principalement décrochante. Les plans nodaux du double couple donnent un azimut nord-est/sud-ouest et un pendage vers le nord.
Pour comparaison, le mécanisme au foyer GCMT (noté 3 sur la figure 4), obtenu environ 9h30 après le séisme, est également représenté (Figure 4, Tableau 1).
Les mécanismes diffusés vers le CSEM par différents contributeurs sont repris dans la Figure 5.


 Figure 4: Mécanisme au foyer GCMT (noté 3), comparé aux mécanismes au foyer calculés au CENALT par la méthode de la phase W obtenue 40 min après le séisme (1, Mw = 6.4, 62 phases,) puis 6 h après (2, Mw = 6.4, 64 phases) (cf. aussi tableau 1). Les cercles de couleur sont les répliques localisées sur le site de l’IGN espagnol.


 Tableau 1 : Paramètres de source et temps d’obtention des 3 mécanismes au foyer reportés figure 4.


 Figure 5: Mécanismes au foyer pour le séisme du 25/01/2016 envoyés au CSEM par 5 contributeurs.

Marégraphie et mesure du tsunami

Un tsunami de très faible amplitude a été observé sur les données de marégraphie disponibles en temps réel du CENALT.
Les enregistrements des capteurs radar espagnols (pas d'échantillonnage 1 min) ont été récupérés sur le site web de l’IOC (www.ioc-sealevelmonitoring.org) puis traités pour plusieurs stations espagnoles (Figure 6). Le signal filtré (courbe rouge, milieu), pour les stations de Motril et Malaga, révèle des amplitudes maximales de 3 à 4 cm crête-à-creux sur ces sites de la côte espagnole.
Les spectrogrammes montrent que ce phénomène est associé à une période de 10 min (Motril) à 20-30 min (Malaga) environ. La station de Melilla (MELI), située côté marge marocaine, ne montre pas de signal tsunami.


 Figure 6 : marégrammes de Motril (MOTR) et Malaga (MAL3) sur la période du séisme du 25 janvier 2016, analysés au CENALT (voir localisation des sites sur la carte en haut). Le trait vertical noir indique l’heure du séisme, le trait vertical rouge le temps théorique d’arrivée de la 1ère vague tsunami.

REFERENCES

Biggs, J., Bergman, E., Emmerson, B., Funning, G. J., Jackson, J., Parsons, B., & Wright, T. J. (2006). Fault identification for buried strike-slip earthquakes using InSAR: The 1994 and 2004 Al Hoceima, Morocco earthquakes. Geophysical Journal International, 166(3), 1347-1362, doi :10.1111/j.1365-246X.2006.03071.x

CSEM : page de l’événement : http://www.emsc-csem.org/Earthquake/earthquake.php?id=484213

Grevemeyer, I., Villasenor, A., & Leuchters, W. (2011). Seismotectonics of the Alboran domain, Western Mediterranean–active shallow tectonics and deep-seated shadows of the past. Geophysical Research Abstracts 13, EGU2011-4930

Kanamori, H., & Rivera, L. (2008). Source inversion of W phase: speeding up seismic tsunami warning. Geophysical Journal International 175(1), 222-238, doi:10.1111/j.1365-246X.2008.03887.x

Martinez-Garcia, P., I. Soto, J. et Comas M. (2011), Recent structures in the Alborian Ridge and Yusuf fault zones based on swath bathymetry and sub-bottom profiling : evidence of active tectonics. Geo-Mar Lett, 31, 19-36, doi :10.1007/s00367-010-0212-0

Stich, D., Ammon, C. J., & Morales, J. (2003). Moment tensor solutions for small and moderate earthquakes in the Ibero‐Maghreb region. Journal of Geophysical Research: Solid Earth, 108(B3), 2148, doi:10.1029/2002JB002057

Stich, D., Mancilla, F. D. L., Baumont, D., & Morales, J. (2005). Source analysis of the Mw 6.3 2004 Al Hoceima earthquake (Morocco) using regional apparent source time functions. Journal of Geophysical Research: Solid Earth , 110(B6), B06306, doi: 10.1029/2004JB003366

Stich, D., Serpelloni, E., de Lis Mancilla, F., & Morales, J. (2006). Kinematics of the Iberia–Maghreb plate contact from seismic moment tensors and GPS observations. Tectonophysics, 426(3), 295-317, doi:10.1016/j.tecto.2006.08.004

Stich, D., Martín, R., & Morales, J. (2010). Moment tensor inversion for Iberia–Maghreb earthquakes 2005–2008. Tectonophysics, 483(3), 390-398, doi:10.1016/j.tecto.2009.11.006