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Séisme de magnitude ML 5,8 le 16/06/2023 au sud-ouest de Niort (79)


Caractéristiques du séisme

Le 16 juin 2023 à 16h38 TU (18h38 heure locale) un séisme de magnitude MLLDG 5,8, Mw 4,8 et de profondeur de 5 à 10 km a été détecté par le CEA à 23 km au sud-ouest de Niort, près de Mauzé-sur-le-Mignon (79). Il a été très fortement ressenti dans le quart nord-ouest de la France parfois au-delà de 300 km de distance et il a produit des dégâts dans la zone épicentrale, en particulier dans la commune de La Laigne (17) essentiellement sur des bâtiments anciens.

C’est le séisme le plus fort survenu en France hexagonale depuis le séisme du Teil survenu le 11 novembre 2019 (MLLDG 5,4 et Mw 4,8). Un séisme de cette magnitude se produit en moyenne tous les 10 ans dans l'héxagone. Le 7 septembre 1972, un séisme de magnitude équivalente s’était produit en Charente-Maritime, entre l’île d’Oléron et la Rochelle.


 Carte épicentrale. En vert : séismes instrumentaux depuis 1970.

Alerte sismique

Un bulletin d’alerte sismique du CEA a été émis vers la Sécurité Civile 25 minutes après l’évènement par le sismologue d’astreinte. La magnitude calculée pour l’évaluation du risque tsunami (Mw 4,9) était en deçà du seuil de diffusion d’information de 5,5.


 Signaux de quelques stations sismiques du CEA. La station MFF se situe à 62 km de l'épicentre.

Mécanismes au foyer


 Mécanisme au foyer déterminé grâce à la méthode TDMT_INVC_ISO (Dreger, 2003)

Mécanisme au foyer déterminé par le CEA par la méthode TDMT_INVC_ISO (Dreger, 2003):
- Localisation (CSEM) : 46.21, -0.77
- Temps origine : 16:38.28.800
- Modèle de vitesse : Modèle LDG à 3 couches (Duverger et al., 2021)
- Type d’inversion : Inversion des formes d’ondes pour le tenseur des moments.
- Tenseur des moments déviatoriques (double-couple + CLVD) – pas de recherche de composante isotrope
- Profondeurs testées : 2, 3, 4, 5, 6, 8, 10, 12, 14, 16, 18, 20 km
- Données : Réseaux FR et RD
- Filtrage : [0.025 – 0.066] Hz ou 15-40 s de période – causal (1 passe – 3 pôles)
- Corrigées de la réponse instrumentale, intégrées en déplacement et décimées à 1 s


Résultats:
- Très bonne couverture azimutale de la source (étoile) par les 13 stations sismiques 3 composantes utilisées (triangles)
- Mécanisme décrochant avec un plan nodal orienté Nord-Sud et un autre orienté Est-Ouest
- Mécanisme très bien contraint quelle que soit la profondeur entre 2 et 20 km
- Accord maximal entre les données observées et les données synthétiques dans les résultats de l’inversion à 4 km +/ 2 de profondeur


 Mécanisme au foyer déterminé à partir des polarités


 Mécanismes au foyer collectés par le CSEM

Contexte sismo-tectonique

La zone épicentrale se situe au Sud du marais Poitevin, une région encadrée par des accidents tectoniques qui produisent une petite sismicité régulière. Les structures tectoniques régionales comprennent en profondeur un système de faille d’orientation NW-SE qui affecte la marge Sud Armoricaine et délimitent les marais littoraux : des marais de Marennes / Rochefort sur Mer au Sud, au marais Breton et à la baie de Bourgneuf au Nord.

Cette région a été affectée par plusieurs séismes historiques et instrumentaux significatifs (SISFRANCE ; Beucler et al., 2021) :
- Au Nord (120 km) , le séisme de Bouin 1799 en marais Breton, un séisme de magnitude 5 à 6 (Kaub et al., 2021)
- A l’Ouest (50 km), le séisme d’Oléron 1972

Plus récemment, les séismes de La Rochelle du 28/04/2016 (ML5.1 – 45 km à l’Ouest) et de Montendre du 20 mars 2019, au Sud (ML4.9 – 120 km au Sud) (Duverger et al., 2021).

Le séisme du 16 juin s’est produit dans une zone affectée par des petits séismes locaux ressentis à faible distance (moins de 5 km), historiques et instrumentaux. Pour exemple le petit séisme du 5 avril 1950, ressentis sur une aire 1100 km2 et dont l’épicentre macrosismique avait été déterminé entre les villages de Cram-Chaban, La Laigne, Courçon et Saint-Sauveur-d’Aunis, zone affectée par le séisme du 16 juin (voir SISFRANCE / et Rothé et Dechevoy, 1954).

Le mécanisme du séisme du 16 juin, de type décrochant avec les plans nodaux orientés EW et NS, est confirmé par plusieurs instituts sismologiques français et étrangers.


 Carte de la sismicité instrumentale (en rouge) et historique (en bleu) sur fond topographique. L’étoile rouge indique la localisation du choc principal. Les polylignes noires matérialisent les failles reportées sur la carte géologique du BRGM au millionième. La topographie est issue du modèle numérique d’élévation SRTM3.

Effets du séisme

Dans la zone épicentrale, les communes de La Laigne (17), Cram-Chaban (17) et Mauzé-sur-le-Mignon (79) ont été les plus touchées. A la Laigne, commune de 500 habitants, 135 habitations ont été endommagées et 170 habitants ont dû être relogés.

Au-delà de la zone épicentrale, le séisme a été ressenti dans tout l’ouest de la France, du sud de la Bretagne jusqu’au Bordelais, en passant par l’Anjou. Le Bureau Central Sismologique Français (BCSF) a collecté plus de 5700 témoignages et le Centre Sismologique Euro-Méditerranéen (CSEM) plus de 2500, parfois à des distances de près de 400 km. En région parisienne, quelques personnes, dans des conditions particulièrement propices, ont pu ressentir des secousses.


 Témoignages collectés par le BCSF (https://www.franceseisme.fr/)


 Témoignages collectés par le CSEM (https://www.emsc-csem.org)

Répliques

Dans les 48 heures suivant le choc principal, 18 répliques ont été enregistrées dont une de MLLDG 5,0 le 17 juin, ce qui rend cet événement particulièrement remarquable par rapport au séisme du Teil du 11/11/2019, de magnitude comparable mais qui avait produit très peu de répliques et de faible magnitude.

On note de plus un événement précurseur de magnitude MLLDG 2,4 le 16 juin à 12h58 TU, soit 4 heures avant le choc principal.

Précisions sur la magnitude

La magnitude locale fournie calculée par le CEA et nommée MLLDG (Duverger et al, 2021) est généralement plus élevée que la magnitude de moment (Mw) et la différence entre les deux s’accroit dans l’ouest de la France où l’atténuation des ondes sismiques est plus faible. C’est ce qu’on observe également pour ce séisme avec une MLLDG de 5,8 et une Mw de 4,8 ou 4,9 selon les instituts. Mais la MLLDG reste conforme aux magnitudes locales préliminaires fournies par d’autres instituts comme le RéNaSS.

La magnitude locale dépend directement de l’amplitude du mouvement du sol enregistrée par les stations sismiques. Elle correspond donc bien au ressenti de la population. La Mw est elle, directement liée à l’énergie diffusée par la source et prend en compte le mécanisme de la faille, la durée de la source et son contenu fréquentiel.

Le temps de calcul d'une Mw est plus long et plus complexe que pour une ML, ce qui la rend difficile à exploiter dans un contexte d’alerte rapide. Elle est de plus difficile à calculer pour les petits séismes.

Ainsi dans un souci de continuité de l’échelle de magnitude, le CEA fournit la MLLDG dans ses messages d’alerte. Cette magnitude est également utilisée dans le bulletin sismologique pour la France hexagonale depuis les années 60.

REFERENCES
Beucler, É., Bonnin, M., Hourcade, C., van Vliet-Lanoë, B., Perrin, C., Provost, L., ... & Authemayou, C. (2021). Characteristics and possible origins of the seismicity in northwestern France. Comptes Rendus. Géoscience, 353(S1), 53-77.

Dreger DS. 2003. TDMT_INV: Time Domain Seimsic Moment INVersion. International Handbook of Earthquake and Engineering Seismology 81B: 1627.

Duverger C., Mazet-Roux G., Bollinger L., Guilhem-Trilla A., Vallage A., Hernandez B., Cansi Y. (2021). A decade of seismicity in metropolitan France (2010–2019): the CEA/LDG methodologies and observations. BSGF - Earth Sciences Bulletin (2021), 192:25. http://dx.doi.org/10.1051/bsgf/2021014

Kaub, C., Geoffroy, L., Bollinger, L., Perrot, J., Le Roy, P., & Authemayou, C. (2021). Is the Machecoul fault the source of the∼ M 6 1799 Vendée earthquake (France)?. Geophysical Journal International, 225(3), 2035-2059.

Rothé, J. P., & Dechevoy, N. (1954). La séismicité de la France de 1940 a 1950. Ann. 1954 de l’Institute de Phys. du globe de Strasbourg Géophys., 7, 24-62.

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