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Description du séisme
Situation géographique
Contexte sismo-tectonique
Crise sismique
Mécanisme de la rupture
Mesures du pic d’accélération
Informations sur le tsunami
Propagation de la vague

 

Troisième note d’information concernant le séisme du Japon du 11 mars 2011 à 5h46 TU.
(point le 23 mars 2011, 17h - heure française)

Un séisme majeur de magnitude Mw 9 s’est produit au nord du Japon le 11 mars 2011 à 5h46 (heure TU) à proximité des villes de Sendaï (130 km) et de Tokyo (370 km). Ce séisme a généré un important tsunami ayant traversé l’océan Pacifique, avec des effets notables jusqu’au Chili où des vagues de 1 à 2 mètres ont été mesurées.

Description du séisme

Situation géographique

Magnitude: Mw 9
Region: Est des cotes de HONSHU, JAPON
Temps origine : 2011-03-11 05:46:23.0 TU
Localisation : 38.30 N ; 142.50 E
Profondeur : 25 km

Contexte sismo-tectonique du séisme de Mw 9 du 11 mars 2011. Outre la localisation du choc principal de la crise, la carte représente les séismes antérieurs (du 02 au 10 mars 2011) et les répliques (jusqu’au 22 Mars 2011 inclus). En hachuré est représentée la zone de rupture supposée, estimée à partir des résultats d’inversion de source et de la distribution des répliques.
 Figure 1: Contexte sismo-tectonique du séisme de Mw 9 du 11 mars 2011. Outre la localisation du choc principal de la crise, la carte représente les séismes antérieurs (du 02 au 10 mars 2011) et les répliques (jusqu’au 22 Mars 2011 inclus). En hachuré est représentée la zone de rupture supposée, estimée à partir des résultats d’inversion de source et de la distribution des répliques.

Contexte sismo-tectonique

Au niveau de la fosse du Japon, la plaque Pacifique s’enfonce sous la plaque Eurasie dans la partie Nord de l'ile de Honshu à une vitesse de près de 9 cm/an. Du fait de cette vitesse importante, cette région du Japon est le siège de très nombreux séismes de fortes magnitudes. Plusieurs de ceux-ci ont généré de grands tsunamis. Ce fut le cas notamment des forts séismes tsunamigènes de 869 ou de 1896 et 1933 qui ont rompu des segments importants du plan de subduction respectivement au niveau et au Nord de la région impactée par les séisme et tsunami du 11 mars dernier. Outre ces événements, elle a été le siège de 15 forts séismes de magnitude supérieure à 7,5, depuis le début du 20ème siècle (cf. Figure 2).

Carte de la sismicité historique du Nord-Est du Japon.
 Figure 2 : Carte de la sismicité historique du Nord-Est du Japon.

Cette région se trouve au Nord d'une zone de convergence plus complexe faisant finalement intervenir 3 plaques tectoniques (point triple, Figure 3), dont les limites sont figurées sur la carte de la Figure 1. Cette zone, au Sud de l’île de Honshu, a été, elle aussi, le siège de très nombreux forts séismes dont celui de Kanto en 1923 qui a détruit la région de Tokyo (Figure 2).


schéma de principe montrant la géométrie des plaques tectoniques et leurs mouvements respectifs au voisinage du Japon (d’après L. Jolivet, ISTO, Orléans, France).
 Figure 3 : schéma de principe montrant la géométrie des plaques tectoniques et leurs mouvements respectifs au voisinage du Japon (d’après L. Jolivet, ISTO, Orléans, France).

Crise sismique

Dans les 48 heures précédant le choc principal, des événements de forte magnitude ont été enregistrés. De magnitude Mw 7,2, le premier a eu lieu le 9 mars et est localisé à environ 40 km de l’épicentre du séisme du 11 mars ; il est suivi, le même jour, par trois autres tremblements de terre de magnitudes supérieures à Mw 6.
A la date du 23 mars 2011, 0h TU, on dénombre 401 répliques de magnitude 5 ou plus (source CSEM), dont 40 de magnitude supérieure ou égale à 6 et 2 de magnitude supérieure ou égale à 7 survenues 40 minutes après le choc principal.

La Figure 4 montre la diminution progressive du nombre de répliques en fonction du temps; notons toutefois que parmi les événements du 22 mars figurent 3 séismes de magnitude supérieure à 6.


Histogramme par tranche de 6 heures du nombre de répliques du séisme du 11 mars de magnitude supérieure ou égale à 5 (source CSEM)
 Figure 4 : Histogramme par tranche de 6 heures du nombre de répliques du séisme du 11 mars de magnitude supérieure ou égale à 5 (source CSEM).

Mécanisme de la rupture

L’inversion du tenseur des moments sismiques permet de déterminer l’orientation de la faille qui a rompu. La carte de la Figure 5 montre les résultats obtenus par plusieurs organismes, indiquant une faille orientée Nord-nord-est avec un léger pendage vers l’Ouest-nord-ouest.


mécanismes au foyer du séisme du 11 mars obtenus par différents organismes. CPPT : CEA/LDG-Pamatai, HARV : université de Harvard et GFZ : Deutsches GeoForschungsZentrum, Potsdam, Allemagne (source CSEM)
 Figure 5: mécanismes au foyer du séisme du 11 mars obtenus par différents organismes. CPPT : CEA/LDG-Pamatai, HARV : université de Harvard et GFZ : Deutsches GeoForschungsZentrum, Potsdam, Allemagne (source CSEM).

L’inversion cinématique permet de décrire plus finement la rupture, en reconstituant les sismogrammes à partir d’une description spatio-temporelle de celle-ci.

inversion du séisme du 11 Mars 2011. Les résultats conduisent à une source de magnitude 9 avec deux zones de rupture dont la principale, au Sud, possède un glissement maximal d’au moins 15 mètres (source CEA/DAM).
 Figure 6 : inversion du séisme du 11 Mars 2011. Les résultats conduisent à une source de magnitude 9 avec deux zones de rupture dont la principale, au Sud, possède un glissement maximal d’au moins 15 mètres (source CEA/DAM).

Cette estimation consiste à reproduire les enregistrements sismiques à grande distance de l’épicentre en reconstituant l’histoire de la rupture grâce à la méthode des patchs (Vallée M. and Bouchon M. : Imaging co-seismic rupture in far-field by slip patches, JGI, 2004). Pour ce travail, nous reconstituons les déplacements des ondes sismiques de pressions (P) et de cisaillement (SH) afin de mieux contraindre la source sismique.
L'inversion cinématique utilisant les données longue-période (CEA et IRIS) de capteurs sismiques conduit à un mécanisme au foyer en faille inverse avec une magnitude Mw=9 et une profondeur épicentrale de 25 km. La rupture est constituée de deux zones, l’ensemble s’étalant sur environ 400 km. Le glissement maximal d’au moins 15 mètres s’est produit sur la zone la plus au Sud. Des résultats similaires sont obtenus par d’autres organismes (cf. Figure 7).



Carte montrant la sismicité enregistrée (ronds de couleurs et étoiles), et la zone de rupture du choc principal avec les valeurs du glissement (petits rectangles de couleurs selon l’échelle à droite de la carte). (d’après USGS).
 Figure 7 : Carte montrant la sismicité enregistrée (ronds de couleurs et étoiles), et la zone de rupture du choc principal avec les valeurs du glissement (petits rectangles de couleurs selon l’échelle à droite de la carte). (d’après USGS : http://earthquake.usgs.gov/earthquakes/eqarchives/poster/2011/20110311.php).

Mesures du pic d’accélération

Le Japon possède un très dense réseau d’accéléromètres. La carte ci-dessous montre par des symboles de couleur les valeurs maximales mesurées sur les capteurs de la région proche du séisme. On remarque que plusieurs d’entre eux (en noir) ont mesuré des valeurs extrêmement élevées, supérieures à 1 g.

Carte des pics d’accélération mesurés sur le réseau d’accéléromètres du Japon. source
 Figure 8 : Carte des pics d’accélération mesurés sur le réseau d’accéléromètres du Japon (Sources : Building Research Institute pour les mesures dans les bâtiments et Kyoshin Network du NIED pour les mesures en champ libre).

Informations sur le tsunami

Le séisme a généré un tsunami d’une ampleur considérable, dont les effets ont été observés au Japon et à travers tout le Pacifique. Le JMA (Japan Meteorological Agency) a relevé des hauteurs de vagues de plus de 3 m de haut sur les stations marégraphiques du nord-est du Japon. La station de Soma, au Sud de Sendaï, a notamment enregistré une vague d’au moins 7,3 m de haut, ce qui représente à ce jour l’amplitude maximale mesurée par un marégraphe. Plusieurs stations n’ont pas donné de mesure en raison de la destruction du marégraphe. Compte tenu des configurations locales des côtes, des amplitudes plus élevées ont pu se produire localement.

Carte des hauteurs du tsunami mesurées au japon (source JMA).
 Figure 9 : Carte des hauteurs du tsunami mesurées au japon (source JMA).

Le tsunami a été observé en de nombreux points de l’océan Pacifique, jusqu’aux côtes du Pérou et du Chili, plus de 21 heures après l’occurrence du séisme (cf. Figure 10). Les informations du Pacific Tsunami Warning Center font notamment état de vagues de 2,0 m à Crescent City (Californie), de 1,45 m à Manzanillo (Mexique), 1,7 m à Callao (Pérou), ou 1,25 m à Corral au Sud du Chili (cf. Figure 11 et Figure 12). Selon ce même institut, des vagues importantes ont été mesurées à Hawaii (1,20 m à Kawaihae, 1,40 m à Hilo). Dans le Sud-ouest de l’océan Pacifique, les amplitudes mesurées ont été plus faibles (20 cm en Papouasie Nouvelle-Guinée). Des hauteurs de vague de 0,4 m ont également été observées sur la station marégraphique de King Edward (Iles Sandwich), dans le Sud de l’Atlantique, plus de 24 heures après le séisme.

La Polynésie française a également été touchée par ce tsunami, 12H30 après le séisme (à Tahiti). Il a été mesuré des vagues de 40 cm de haut à Papeete, sur l’île de Tahiti, et de 30 cm sur l’atoll de Rangiroa.
Des hauteurs de vague plus fortes, d’une valeur de 1,5 m, ont été mesurées à Nuku Hiva et Hiva Oa, aux îles Marquises, en raison d’un effet local d’amplification.

Carte des temps de propagation du tsunami à travers les océans en considérant le modèle de faille comme une ligne de points de source (source CEA/DAM, simulation réalisée avec le logiciel TTT (GeoWare)).
 Figure 10 : Carte des temps de propagation du tsunami à travers les océans en considérant le modèle de faille comme une ligne de points de source (source CEA/DAM, simulation réalisée avec le logiciel TTT (GeoWare)).

Site des marégraphes

Hauteur de vague 0-crête (d’après PTWC)

Kawaihae, Hawai

1,22 m

Adak, Alaska

1,00 m

Crescent City, Californie

2,02 m

Manzanillo, Mexique

1,45 m

Callao, Perou

1,67 m

Corral, Chili

1,25 m

King Edward, Iles Sandwich

0,40 m

Papeete, Tahiti, Polynésie française

0,39 m

Hiva Oa, Marquises, Polynésie française

1,50 m

Nuku Hiva, Marquises, Polynésie française

1,48 m

Rikitea, Mangareva, Polynésie française

0,21 m

Rangiroa, Tuamatu, Polynésie française

0,29 m

 Figure 11 : hauteurs de vague mesurées en différents points de l’Océan Pacifique (d’après PTWC)

Variations du niveau de la mer enregistrées sur des marégraphes lors du passage du tsunami. (Source IOC-VLIZ). a) Papeete (Tahiti, Polynésie française), b) Nuku Hiva (Iles Marquises, Polynésie française), c) Crescent City (Californie), d) Corral (Chili). En rouge : mesures par capteur de pression, en vert et bleu : mesures par radar.
 Figure 12 : Variations du niveau de la mer enregistrées sur des marégraphes lors du passage du tsunami. (Source IOC-VLIZ). a) Papeete (Tahiti, Polynésie française), b) Nuku Hiva (Iles Marquises, Polynésie française), c) Crescent City (Californie), d) Corral (Chili). En rouge : mesures par capteur de pression, en vert et bleu : mesures par radar.

La carte ci-dessous (Figure 13) représente les hauteurs de vague, calculées en eaux profondes. La hauteur de vague peut être fortement amplifiée lorsque le tsunami atteint la côte, selon la bathymétrie locale.
Les valeurs atteignent 4-5 m, dans la zone épicentrale, et conservent une amplitude de l’ordre de 30 cm jusqu’aux îles au large de la côté chilienne, située dans l’axe de propagation principal du tsunami. Effectivement cette carte montre que l’énergie du tsunami est principalement rayonnée en direction du Sud-Est (Chili).

Carte des hauteurs maximales calculées au large, après 50 h de propagation.
 Figure 13 : Carte des hauteurs maximales calculées au large, après 50 h de propagation.

L’animation ci-dessous présente cette fois l’évolution de la hauteur instantanée en fonction du temps sur une durée de 50 heures. Elle montre la complexité des vagues successives se déplaçant dans l’océan, et même la présence d’un train de vagues réfléchies sur la côte de l’Amérique du Sud, remontant vers le Nord-Ouest à travers l’océan Pacifique. Ce train d’ondes atteint la Polynésie après environ 32 heures de propagation totale, soit approximativement 24 heures après la première vague. Il a été enregistré par les marégraphes comme le montre la Figure 14.

Animation simulant la propagation du tsunami à travers l’océan pacifique.

variations du niveau de la mer enregistrées sur des marégraphes lors du passage du tsunami. (Source IOC-VLIZ) sur une durée de plus de 24 heures. A gauche : Papeete (Tahiti, Polynésie française), à droite : Hiva Oa (Iles Marquises, Polynésie française), En rouge : mesures par capteur de pression, en vert et bleu : mesures par radar. On voit nettement, 24 heures après la première série de vagues, un deuxième train d’ondes, qui s’est réfléchi sur la côte ouest de l’Amérique du Sud.
 Figure 14 : variations du niveau de la mer enregistrées sur des marégraphes lors du passage du tsunami. (Source IOC-VLIZ) sur une durée de plus de 24 heures. A gauche : Papeete (Tahiti, Polynésie française), à droite : Hiva Oa (Iles Marquises, Polynésie française), En rouge : mesures par capteur de pression, en vert et bleu : mesures par radar. On voit nettement, 24 heures après la première série de vagues, un deuxième train d’ondes, qui s’est réfléchi sur la côte ouest de l’Amérique du Sud.