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Séisme de magnitude 7,9 au niveau des îles Santa Cruz le 6 février 2013

Un tremblement de terre de magnitude 7,9 s’est produit le 6 février 2013 à 01h12 TU au niveau des îles Santa Cruz. Ces iles se situent à l’extrémité sud-est des îles Salomon et au nord du Vanuatu. Ce séisme de magnitude importante a généré un tsunami local dont la hauteur a dépassé 2 mètres. Ce tsunami a également touché les côtes de Nouvelle-Calédonie où, localement, une surélévation de la hauteur d’eau dépassant 1 mètre a été observée.

Contexte sismotectonique

Le séisme du 6 février 2013 s’est produit au niveau de la frontière entre les plaques australienne (au sud-ouest) et pacifique (au nord et à l’est). Le tremblement de terre se localise très près de l’extrémité nord de la subduction des Vanuatu. La zone de rupture se situe au niveau des îles Santa Cruz (Figure 1) où la plaque australienne glisse sous la plaque pacifique en direction de l’est-nord-est à une vitesse moyenne de l’ordre de 94 millimètres par an.


 Figure 1 : localisation du séisme du 6 février 2013 et sismicité (1973-2012) des iles Salomon, Vanuatu, Fidji, Samoa et Tonga.

L’événement du 6 février 2013 se situe à environ 200 km au nord d'une série de tremblements de terre qui se sont produits en octobre 2009 le long de la fosse de subduction des Vanuatu (Le plus important ayant atteint une magnitude de 7,8). Il est localisé à environ 700 km à l’est-sud-est du tremblement de terre de magnitude 8.1 des îles Salomon du 1er avril 2007 et de celui de magnitude 7.1 du 3 Janvier 2010.
Ce séisme se situe à proximité d'une région complexe au niveau de la limite de la plaque australienne et de la plaque pacifique. Dans cette région, la fosse des Salomon à l'ouest est reliée à celle des Vanuatu au sud par un court segment dont le mécanisme dominant est en décrochement senestre. Le tremblement de terre du 6 février se localise à l'extrémité nord du segment du Vanuatu. A l’ouest de l’événement, la limite de plaque suit une direction pratiquement est-ouest puis rejoint la zone de subduction le long des îles Salomon au nord-ouest.
Des dizaines de séismes se sont produits dans la région épicentrale au cours du mois qui a précédé celui du 6 février (plus de 40 séismes de magnitude 4,5 ou plus au cours des 7 jours précédents - dont 7 étaient supérieurs à magnitude 6). Les mécanismes au foyer de ces séismes montrent un mélange de décrochements, mécanismes en faille normale et chevauchements.

Imagerie cinématique de la source sismique (Figure 2)

La source du séisme du 6 février 2013 a été analysée en essayant d’expliquer au mieux les signaux enregistrés à grande distance sur les stations sismiques des réseaux mondiaux (IRIS et CEA). Ce travail, appelé également inversion cinématique, permet de décrire finement la source sismique, c'est-à-dire comment la rupture s’est propagée sur la faille (méthode des patchs ; Vallée M. and Bouchon M. : Imaging co-seismic rupture in far-field by slip patches, JGI, 2004 Site Scardec). Cette analyse permet, outre de confirmer la magnitude, de fournir des dimensions caractéristiques de longueur, de durée et de glissement nécessaires pour comprendre et simuler un tsunami potentiel.


 Figure 2 : inversion du séisme du 6 février 2013 à 1h12 TU. Les résultats conduisent à une source de magnitude 8,0 avec une zone principale de rupture d’environ 100 km de long.

Le mécanisme oblique (chevauchant senestre) est en parfaite adéquation avec les mouvements de plaques au niveau des îles Santa Cruz.

Tsunami généré par le séisme

La dimension de la source (magnitude 8 avec une longueur d’environ 100 km) le mécanisme au foyer (en particulier l’importance de la composante chevauchante) et la profondeur relativement faible de l’événement (environ 18 km) ont été propices à la génération d’un tsunami qui a atteint les îles Salomon en moins d'une heure (Figure 3), et a été observé sur de nombreux marégraphes.
Les modèles préliminaires montrent une directivité notable vers l'Australie, mais également vers la Nouvelle Calédonie (Figure 4). Ils sont ajustés par rapport aux observables disponibles, notamment sur la bouée DART 55012 en mer de Corail (Figure 5 et localisation sur la Figure 4).
L'animation des hauteurs maximales obtenues au cours de la propagation en tout point souligne ces effets de focalisation vers la Nouvelle Calédonie et les îles Loyauté.


 Figure 3 : simulation de la propagation du tsunami (calcul du temps de propagation du tsunami. Isocontours 1h).


 Figure 4 : hauteurs maximales du tsunami en eau profonde obtenues par simulation numérique.


 Figure 5 : comparaison entre un enregistrement observé sur la bouée DART 55012 (voir localisation sur Figure 4) et un modèle synthétique du tsunami.

Observations du tsunami

Le tsunami provoqué par le séisme du 6 février 2013 a été observé sur des marégraphes à différentes stations (tableau).

Lieu de mesure Latitude
(° Sud)
Longitude
(° Est)
Heure d’arrivée
(TU)
amplitude
crête à creux (m)
amplitude
zéro-creux (m)
Période (mn)
Lata Wharf (Salomon) 10,7208 165,8019 01:25 1,83 1,04 18
Luganville (Vanuatu) 15,5156 167,1886 02:01 0,54 0,23 34
DART Honiara 52406 5,3320 165,0810 02:06 0,09 0,08 18
Vanuatu 17,7553 168,3077 02:24 0,66 0,25 19
DART Coral Sea 55012 15,8000 158,5000 02:25 0,34 0,14 16
Hienghène, (Nouvelle-Calédonie) 20,6929 164,9422 02:55 1,34 0,77 14
Lifou, (Nouvelle-Calédonie) 20,9185 167,2787 02:55 0,96 0,33 7
DART Coral Sea 2 55023 14,8030 153,5850 03:05 0,10 0,05 12
Mare (Nouvelle-Calédonie) 21,5478 167,8771 03:08 1,01 0,42 6
Ouinne (Nouvelle-Calédonie) 21,9829 166,6833 03:25 1,14 0,49 10
Papeete (Polynésie) 17,5331 149,5726 08:24 0,10 0,06 18
Hiva Oa (Polynésie) 9,8049 139,0347 09:37 0,16 20

En Nouvelle-Calédonie, des mesures ont été prises pour évacuer les populations concernées sur les rivages. Un habitant de Poindimié a signalé que gendarmes et pompiers, faute de sirènes, ont sillonné toute la commune pour alerter la population avec des hauts parleurs. Le tsunami n'a causé aucun dégât sur les rivages calédoniens. Les stations marégraphiques installées depuis quelques années ont permis de bien enregistrer le phénomène (Figures 6 et 7).


 Figure 6 : enregistrement du tsunami à Hienghène (Nouvelle-Calédonie)


 Figure 7 : enregistrement du tsunami à Mare (Nouvelle-Calédonie).

En Polynésie française, les observations sont très limitées. Les amplitudes marégraphiques n'excèdent pas 10-15 cm même aux Marquises (Figure 8), en bon accord avec les estimations du tsunami proposées par un outil de prévision des effets utilisé dans le cadre du centre d'alerte aux tsunamis de Polynésie française (Figure 9).



 Figure 8 : enregistrement du tsunami à Nuku Hiva (Marquises).


 Figure 9 : estimation des hauteurs d'eau (échelle en mètres) à Nuku Hiva par simulation numérique pour la prévision des effets d'un tsunami.