Le suivi de la sismicité
Dans le cadre de sa mission de surveillance de l'environnement, la Direction des applications militaires (DAM) du CEA assure un suivi de la sismicité pour le territoire national (bulletins et alertes sismiques). À cette fin, un réseau de stations sismiques a été installé en France. Le traitement de ces données conduit à l'élaboration d'un bulletin sismologique et permet de mener de nombreuses études en sismologie.
 
Le réseau des stations sismiques
 
Initiée au début des années 60 dans un but de détecter les essais nucléaires étrangers, la mise en place du réseau de sismographes du Laboratoire de détection et de géophysique (LDG) a débuté par l'installation de trois stations en Normandie puis de trois autres dans le Morvan. Ce réseau a évolué par la suite pour atteindre trente-trois stations au début des années 80 et enfin quarante-quatre stations en 2022 réparties sur l'ensemble du territoire métropolitain, y compris en Corse.

Les données fournies par ces stations sont transmises en temps réel jusqu'au site de la DIF à Bruyères-le-Châtel (Essonne) où elles sont centralisées, enregistrées et traitées. La carte ci-dessous montre l'état du réseau du CEA en 2022.

Figure 1: Réseau sismique du DASE en 2022.
 
Les traitements de routine
 
Le but de ces traitements est d'extraire un maximum d'informations des signaux reçus des stations : détection, localisation, détermination de la magnitude et caractérisation des événements enregistrés. Deux types de traitements existent en parallèle, un traitement automatique rapide et un traitement interactif différé beaucoup plus complet et précis.

Traitements automatiques

Dans ce type de traitement, on recherche en temps réel d'éventuels événements en étudiant les variations de l'énergie contenue dans les enregistrements reçus de chacune des stations et la cohérence temporelle entre ces variations. Lorsque de tels événements sont détectés, les temps d'arrivée des différentes ondes sismiques sont recherchés et une localisation automatique est effectuée. La magnitude est calculée à partir des amplitudes mesurées sur les signaux.

Lorsque certains critères (géographique, seuil de magnitude) sont remplis, le sismologue d'astreinte est averti automatiquement. Il procède alors rapidement à la localisation précise de l'événement et à la génération du bulletin d'alerte à destination des autorités.

Traitements interactifs

Ces traitements, réalisés en temps différé, sont basés sur les mêmes principes. Les événements sont recherchés, à la fois à l'aide des résultats de traitements automatiques, mais également en visualisant sur écran l'ensemble des signaux. Cette dernière méthode permet de retrouver certains événements, généralement de faible magnitude, non détectés par les systèmes automatiques. Elle permet en outre d'éliminer les tirs de carrière, beaucoup plus nombreux que les séismes et qui, en général, ne présentent pas d'intérêt et n'ont pas leur place dans le catalogue de sismicité.

Les analystes procèdent au pointé précis des ondes sismiques en utilisant une batterie d'outils graphiques : corrélations entre signaux, traitements spectraux, étude du mouvement des particules sur les trois composantes d'une station (verticale, nord-sud et est-ouest), localisations relatives, etc. Allié à l'expérience des analystes et à l'utilisation de données externes, ce traitement aboutit à des localisations précises.

L'ensemble des mesures (heures d'arrivée, amplitudes, azimuts) effectuées sur les stations, ainsi que les caractéristiques des événements (coordonnées de l'épicentre, profondeur, du foyer, magnitude, type), sont réunies dans des bulletins sismiques hebdomadaires mis à la disposition de la communauté des sismologues. Certains séismes particulièrement intéressants font l'objet d'études plus approfondies.

L'évolution du nombre d'événements traités est représentée par les histogrammes ci-dessous où l'on observe une augmentation du nombre de séismes depuis le début du bulletin sismologique, passant d'une centaine d'événements par an dans les années 60 à une moyenne de 3000 à 5000 événements par an dans les années 2010. Cette évolution est seulement représentative de l'accroissement des réseaux et de l'usage de moyens de traitements plus performants. Elle ne correspond en aucun cas à une augmentation de la sismicité.

Cette évolution illustre l'amélioration de la détectabilité et de la précision des localisations grâce à l'augmentation du nombre de stations utilisées. En effet, la densification des réseaux sismologiques permet de détecter et de localiser de plus petits séismes et de les localiser avec beaucoup plus de précision. Les séismes de magnitude inférieure à 2.0 représentent aujourd'hui environ 80 % du catalogue (Figure 2 et Figure 3) pour une précision souvent inférieure de 5 km.

Les histogrammes des Figure 2 et Figure 3 mettent en évidence quatre périodes correspondant à des changements de méthodes de travail :

Antérieurement à 1976, les événements traités l'ont été, dans le cadre de l'établissement de la carte sismo-tectonique de la France, à partir des archives "papier". Par la suite, le traitement systématique de l'ensemble des données sismiques dans l'optique d'éditer des bulletins, a été rendu possible par la généralisation de l'usage de l'informatique qui a permis les calculs rapides de localisation et le stockage de grandes quantités d'informations sous forme numérique.

La seconde augmentation, à la fin des années 80, correspond à l'époque où le travail sur ordinateur a remplacé celui effectué précédemment sur des enregistrements papier. La capacité et la finesse d'analyse s'en sont trouvées accrues.

La troisième étape, vers le milieu des années 90, correspond au moment où le réseau de stations a été accru et numérisé (transmission par satellite, nouvelles stations implantées en Bretagne, les Alpes et les Pyrénées).

La dernière évolution, à partir de 2010, correspond au début du déploiement du réseau large-bande permanent (RLBP) du Réseau sismologique et géodésique français (RESIF) , qui compte environ 200 stations en 2022, et dont les données sont utilisées aujourd'hui quotidiennement pour améliorer la précision des localisations.

Figure 2: Nombre de séismes traités par an et par intervalle de magnitude en France métropolitaine. Le nombre croissant de séismes traités ne reflète pas une augmentation de la sismicité, mais l'accroissement et la densification des réseaux de mesure.

Figure 3: Répartition par intervalle de magnitude. La proportion de « petits séismes » apparait en bleu ciel.

Un maximum de sismicité annuelle apparait en 2017-2018 suite à une crise sismique proche de Saint-Jean de Maurienne qui a généré plus de 2 000 séismes en deux ans. L'année 2021 montre un nombre de séismes plus faible que les années précédentes mais le taux de petits séismes restant constant depuis 2014 (Figure 3) montre bien que cela ne correspond qu'à une diminution de la sismicité pendant cette année-là.

En moyenne, en France métropolitaine, on enregistre chaque année :

5 à 7 séismes de ML ≥ 4.0

70 à 100 séismes de ML ≥ 3.0

Un millier de séismes de ML ≥ 2.0



Figure 4: Sismicité naturelle de la France entre 1980 et 2021 (environ 86 000 séismes)